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Lutte contre l’impunité en RDC :Trial International se réjouit de condamnation du chef rebelle «Sheka» et ses complices

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Lutte contre l’impunité en RDC :Trial International se réjouit de condamnation du chef rebelle «Sheka» et ses complices

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Pour sa part, HRW salue la sentence de la justice militaire congolaise
Par GKM

Près de deux ans après son ouverture, l’affaire du chef de guerre Sheka et son second dit «Lionceau» est arrivée à son terme. Ces chefs rebelles ont été condamnés à perpétuité pour crimes de guerre par la justice militaire. Le verdict ainsi tombé est considéré comme une victoire contre l’impunité, difficilement concevable à une certaine époque dans cette partie du pays, a noté Trial International, une organisation genevoise de lutte contre l’impunité.

Ainsi pour Trial International, cette affaire restera comme l’une des plus complexes et plus longue ces dernières années en République Démocratique du Congo. Après presque de deux ans de procès, les 337 victimes identifiées et les milliers de page de preuves ont convaincu la justice congolaise de dire le droit.

«Nous sommes très satisfaits de ce verdict», a déclaré Daniele Perissi, responsable du Programme Grands Lacs de TRIAL International. «Non seulement, il donne enfin satisfaction aux centaines de victimes du NDC-Sheka, mais il créé un précédent historique pour la justice au Nord Kivu. Les autorités ont prouvé aujourd’hui qu’elles étaient capables de mener à bout une affaire incroyablement complexe, tant juridiquement que d’un point de vue sécuritaire », a-t-il ajouté.

Fruit d’une longue collaboration

A en croire Me Patient Iraguha, conseiller juridique senior de TRIAL International en RDC, la victoire d’aujourd’hui est le fruit d’une étroite collaboration entre les autorités nationales et leurs partenaires locaux ainsi que internationaux, dont TRIAL International et ses partenaires Avocats Sans Frontières et RCN Justice et Démocratie.

«Vue l’emprise de Sheka dans la région, nous avions tous besoin les uns des autres», a-t-il dit. Car, le pari était loin d’être gagné quand Sheka était arrêté en 2017. Même derrière les barreaux, son influence était telle qu’un dispositif de sécurité sans précédent était déployé pour protéger les victimes et les témoins.

«Nous ne sommes pas surpris que les juges aient confirmé la culpabilité de Sheka et ses complices», affirme Me Elsa Taquet, conseillère juridique de TRIAL International, qui a travaillé aux côtés des avocats des parties civiles. «Des preuves audiovisuelles au carnet de bord de Sheka lui-même, en passant par des certificats médicaux et des témoignages d’enfants-soldats: les preuves contre les prévenus étaient réellement accablantes».

Suite incertaine!

Qu’adviendra-t-il à présent pour les coupables et de leurs victimes? «Nous espérons que Sheka purgera sa peine hors du Nord-Kivu, pour que les victimes et les témoins ne vivent pas dans la crainte de représailles», explique Me Patient Iraguha.
TRIAL International et ses partenaires vont se concentrer à présent sur l’obtention de réparations pour les victimes. Une tâche ardue, a reconnu Me Elsa Taquet témoigne.

Et d’ajouter, «nous restons convaincus que l’État a failli à son obligation de protéger la population civile, même si cet argument n’a pas été retenu par les juges. Leur décision complique indéniablement l’accès aux réparations pour les victimes, mais cela ne nous empêchera pas de tout mettre en œuvre pour faire valoir leurs droits».

Beaucoup de questions restent en suspens et pourraient prendre des mois avant d’être résolues. Mais pour le moment, l’heure est au soulagement. «La justice a triomphé et l’un des chefs de guerre les plus redoutés est enfin puni pour ses actes», conclut-il.

HRW salue la sentence de la justice militaire congolaise

«La condamnation par un tribunal militaire congolais du chef de guerre Ntabo Ntaberi Sheka et de deux co-accusés pour graves violations des droits humains constitue un pas important dans la lutte contre l’impunité en République Démocratique du Congo», a déclaré HumanRights Watch qui a aussi salué la sentence de la justice militaire rd-congolaise.

Pour rappel, le 23 novembre 2020, un tribunal militaire siégeant à Goma, dans la province du Nord Kivu, a reconnu Sheka coupable de sept chefs d’inculpation de crimes de guerre commis par sa milice, le Nduma Defense of Congo (NDC), dans les territoires de Walikale et de Masisi en 2010, puis entre 2012 et 2014. Parmi les chefs d’accusation figuraient notamment le viol de masse et esclavage sexuel, meurtre, pillage et le recrutement d’enfants soldats.

Quoique la condamnation de Sheka à la prison à perpétuité apporte une certaine mesure de justice à ses nombreuses victimes, son procès a laissé apparaître de graves lacunes, notamment le fait que les accusés n’ont pas le droit de faire appel du verdict, ainsi que la protection inadéquate des victimes et des témoins.

«La condamnation de Sheka à l’emprisonnement à perpétuité marque un pas important dans la lutte contre l’impunité en RD Congo et témoigne du courage des survivants ainsi que des activistes qui se sont battus pour obtenir justice, malgré les risques encourus», a déclaré Thomas Fessy, chercheur principal pour la RD Congo à HumanRights Watch.
«Alors que le Gouvernement congolais se penche sur les mécanismes de justice transitionnelle, il devrait tirer les leçons des réussites comme des lacunes de ce long parcours judiciaire», renchérit-t-il.

Le tribunal a également condamné un combattant du NDC, Jean-Claude Lukambo, alias «Kamutoto», à 15 ans de prison pour insurrection et meurtre. Séraphin Nzitonda, surnommé «Lionceau», ancien chef au sein des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et allié du NDC de Sheka, a été déclaré coupable de crime contre l’humanité sous la forme de viol et condamné, lui aussi, à la prison à vie. L’infirmier de Sheka, Jean Ndoole Batechi a été acquitté. Quatre autres co-accusés sont toujours en liberté.

Pas d’appel pour les coordonnés

Sheka et ses co-accusés ont été jugés par une cour militaire opérationnelle, qui n’accorde pas le droit de faire appel d’un verdict de culpabilité et d’une condamnation devant une instance judiciaire supérieure. Ce qui est contraire à la constitution congolaise et représente une violation des normes internationales relatives aux droits humains.

Pour se conformer aux standards internationaux en termes de procès équitable, le Gouvernement congolais devrait garantir le droit d’interjeter appel à toute personne ayant comparu devant un tribunal civil ou militaire en RD Congo. HumanRights Watch a coopéré avec deux défenseurs locaux des droits humains pour observer le procès depuis son commencement en novembre 2018, et s’est entretenu avec 13 victimes d’exactions, avocats, officiers de justice, responsables des Nations-Unies et membres d’organisations non gouvernementales nationales et internationales.

HumanRights Watch n’a pas encore obtenu copie du jugement, mais, a assisté à l’audience du 23 novembre dans laquelle le verdict a été annoncé. Lors du procès, le panel de cinq juges a examiné des allégations selon lesquelles les combattants de Sheka, appuyés par deux autres groupes armés, avaient violé plus de 300 femmes et des dizaines de jeunes filles, ainsi qu’au moins 23 hommes et 9 garçons dans 13 villages situés sur la route menant de Kibua à Mpofi, entre le 30 juillet et le 2 août 2010.

Le procès a également couvert des attaques perpétrées entre 2012 et 2014, période dans laquelle les combattants du NDC ont commis des meurtres, pillé et autres des violations graves des droits de l’homme.

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