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Rapport final des experts de l’ONU (suite): résurgence du M 23 au Nord-Kivu, amplification des groupes armés en Ituri

La Tempête des Tropiques Nation POLITIQUE

Rapport final des experts de l’ONU (suite): résurgence du M 23 au Nord-Kivu, amplification des groupes armés en Ituri

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Nous poursuivons la publication du Rapport final des experts des Nations-Unies sur l’insécurité entachée de plusieurs cas de morts et violences au Nord-Kivu ainsi qu’en Ituri. Ces deux provinces sont en état de siège depuis mai 2021. Défait en 2013, le Mouvement du 23 mars (M 23) s’est disloqué et chaque partie a désormais sa ligne de conduite. Mais celle de Sultani Makenga, opposé au processus dit de Nairobi, a repris les armes et occupe Bunagana, avec l’appui de Kigali et de Kampala.

Paul Kagame a beau nier, mais le présent rapport le dévoile comme le véritable commanditaire de ces assauts sur certaines localités de la partie orientale de la RDC. Le même document fait mention de l’amplification des groupes armés en Ituri, en état de siège comme sa voisine entité politico-administrative du Nord-Kivu.

Rapport final du Groupe d’experts

  1. Entre août et novembre 2021, six attaques à l’engin explosif improvisé ont eu lieu en Ouganda, et deux attaques du même type y ont été déjouées. Plusieurs de ces attaques ont été revendiquées par Daech (voir annexe 25). Selon les autorités ougandaises, plusieurs assaillants, y compris les auteurs des attentats suicide, et des personnes arrêtées en lien avec la planification ou le financement des attaques, étaient liés aux ADF. Le Gouvernement ougandais a notamment indiqué que Nkalubo avait envoyé des instructions pour la fabrication d’engins explosifs improvisés par le biais de l’application de médias sociaux Telegram et coordonné les transferts d’argent pour payer les agents et la logistique des attentats (voir annexe 26). Bien que le Groupe d’experts n’exclue pas que les ADF aient été impliqués dans ces attaques, il n’a pas pu confirmer leur implication, ni déterminer la nature précise du soutien ou des directives qu’elles auraient fournis, les autorités ougandaises ne lui ayant pas accordé l’accès à des éléments de preuve essentiels ni aux personnes détenues en relation avec les attaques. De même, le Groupe d’experts n’a pas été en mesure d’établir l’existence de similitudes dans la conception des engins explosifs improvisés utilisés ou saisis en Ouganda et ceux utilisés à Beni et à Oicha.

B. Résurgence du Mouvement du 23 mars et dynamiques régionales
Attaques du Mouvement du 23 mars contre les FARDC et l’Institut congolais pour la conservation de la nature et occupation de sites stratégiques

  1. Après sa défaite en 2013, le Mouvement du 23 mars (M23), qui fait l’objet de sanctions (CDe.006), s’est scindé en deux factions : l’Armée révolutionnaire du Congo (ARC), dirigée par Bertrand Bisimwa, et l’Alliance pour le salut du peuple (ASP), dirigée par Jean-Marie Runiga. Les ex-combattants du M23 se sont retirés dans des camps en Ouganda et au Rwanda (voir S/2012/843, par. 3 à 5, S/2014/42, par. 4 à 12 et S/2015/19, par. 91 à 105). Peu sont restés en République démocratique du Congo. En décembre 2013, le M23 a signé un accord avec les autorités congolaises (voir par. 69) qui a dissous le M23 en tant que groupe armé. Cet accord fixait les règles relatives à la démobilisation, à la démilitarisation, à la réintégration sociale et à l’amnistie conditionnelle.
  2. En janvier 2017, cependant, le M23/ARC a commencé à se reconstruire lorsque des combattants dirigés par le « général » Sultani Makenga, visé par les sanctions (CDi.008), ont quitté le camp de Bihanga en Ouganda pour établir une base sur le mont Sabinyo dans le parc national des Virunga, en République démocratique du Congo.
  3. Le M23/ARC est resté inactif jusqu’au début de novembre 2021, date à laquelle il a lancé une première série d’attaques contre des positions des FARDC et de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) près de la zone où se rejoignent les frontières entre la République démocratique du Congo, le Rwanda et l’Ouganda, tuant des écogardes de l’ICCN et des soldats des FARDC, et volant des armes, des uniformes, du matériel de communication et des vivres, renforçant ainsi ses capacités militaires (voir annexe 27). Ces attaques et d’autres attaques ultérieures du M23/ARC ont poussé des civils à fuir la région par vagues successives.
  4. Après un mois d’accalmie, le M23/ARC a lancé de nouvelles attaques contre les FARDC et les positions de l’ICCN à Rutshuru, à la fin de décembre 2021, puis à nouveau fin janvier 2022. La fréquence, la durée et l’intensité des attaques du M23/ARC ont suivi une courbe ascendante, tout comme le nombre de victimes des FARDC, ce qui indique un plus grand degré de « professionnalisme », un recrutement plus actif (voir par. 66 et 67) et de meilleures capacités de réapprovisionnement.
    Ainsi, une attaque du M23/ARC contre les FARDC à Nyesisi, dans le territoire de Rutshuru, a débuté dans la nuit du 24 au 25 janvier 2022 et entraîné la mort d’au moins 40 membres des FARDC, dont leur commandant (voir annexe 28). Le 28 mars 2022, le M23/ARC a lancé des attaques simultanées contre Tshanzu, Gisiza, Ndiza et Runyoni (voir annexe 29).
  5. Malgré d’importants renforts des FARDC dans le territoire de Rutshuru (notamment à partir du secteur opérationnel Sokola 2, au détriment de zones contrôlées par les ADF, entre autres), le déploiement par la Garde présidentielle de systèmes de lance-roquettes multiples et le bombardement régulier des bases du M23 par des roquettes, le M23/ARC a continué d’attaquer des sites stratégiques, souvent avec succès (voir annexe 30).
  6. Le 29 mars 2022, un hélicoptère de la MONUSCO qui effectuait une mission de reconnaissance autour de Tshanzu s’est écrasé. Les huit Casques bleus qui se trouvaient à son bord ont été tués. Des informations préliminaires ont indiqué que l’hélicoptère avait été touché par un tir direct qui avait provoqué sa chute, et que le tir provenait d’une colline contrôlée par le M23/ARC (voir annexe 31).

Commandement, bases, recrutement et armement

  1. Les attaques de 2021 et 2022 ont été lancées sous le commandement militaire général de Makenga, tandis que le « colonel » Yusuf Mboneza dirigeait les opérations sur le terrain. Bisimwa, qui a été contraint par les autorités ougandaises de quitter Kampala le 5 janvier 2022, est resté le dirigeant politique du M23/ARC. Le 25 mars 2022, après plusieurs mois de silence, il s’est ouvertement prononcé en faveur des opérations (voir annexe 32).
  2. Le quartier général du M23/ARC était situé sur le Mont Sabinyo, en République démocratique du Congo, où se rejoignent les frontières de la République démocratique du Congo, du Rwanda et de l’Ouganda, offrant au mouvement un avantage stratégique en ce qui concerne les voies d’entrée et de sortie. Le M23/ARC possédait également d’autres camps sur le Mont Visoke, en République démocratique du Congo, près de la frontière avec le Rwanda et à une courte distance de la frontière entre le Rwanda et l’Ouganda (voir annexe 33).
  3. À partir de novembre 2021, le M23/ARC a commencé à recruter dans le camp de Bihanga, et à partir de janvier 2022, dans les territoires de Masisi et de Rutshuru et à Kitshanga, en République démocratique du Congo, ainsi qu’au Rwanda, pour renforcer rapidement ses troupes. En conséquence, alors qu’une estimation de 100 à 200 combattants ont été impliqués lors des attaques menées entre novembre 2021 et janvier 2022, au moins 400 combattants ont été observés lors de l’attaque de Bunangana, le 29 mars 2022, tandis que d’autres combattants ont été observés près de Matebe et sur la route de Rugari-Kibumba le même jour.
  4. Trois combattants du M23/ARC arrêtés, tous Banyamulenge qui s’étaient réfugiés en Ouganda et tentaient de retourner à Minembwe, dans le Sud-Kivu, lorsqu’ils ont été capturés, ont déclaré qu’ils avaient été approchés par des collaborateurs du M23/ARC à Kisoro (Ouganda) au début de mars 2022 et orientés vers des camps du M23/ARC où ils avaient reçu un entraînement militaire sous les ordres du « colonel » Kanyamibwa. Si la majorité des combattants du M23/ARC présents dans les camps étaient originaires de Masisi, certains étaient Banyamulenge, tandis que d’autres étaient des ressortissants rwandais ou parlaient le lingala. Les forces armées et les forces de sécurité de la République démocratique du Congo ont signalé la présence d’individus portant des uniformes de la Force de défense rwandaise (Rwanda Defence Force – RDF) dans des camps du M23/ARC situés en République démocratique du Congo, ce qui a été confirmé par des images aériennes et des preuves photographiques. Néanmoins, le Gouvernement rwandais a catégoriquement nié tout soutien actif ou passif de la RDF au M23/ARC (voir par. 71 et 72).
  5. Le M23/ARC était bien équipé, possédant notamment des fusils d’assaut de type AK et des armes automatiques PKM, des fusils-mitrailleurs, des mitrailleuses lourdes de 12,7 mm, des lance-roquettes, des mortiers de 60 mm et des jumelles de vision nocturne. Au début d’avril 2022, le M23/ARC a saisi des pièces d’artillerie des FARDC (voir annexe 34).
    Objectif et revendications du Mouvement du 23 mars et dynamiques régionales
  6. Les récentes attaques du M23/ARC découlent notamment de l’absence de progrès dans la mise en œuvre des Déclarations de Nairobi signées le 12 décembre 2013. Des négociations confidentielles entre le Gouvernement de la République démocratique du Congo et une délégation du M23, qui avaient débuté en septembre 2020 et s’étaient poursuivies pendant 14 mois, sont au point mort. Six combattants du M23/ARC qui ont été capturés ont déclaré que le plan de Makenga était d’attaquer et d’occuper les villes de Bunangana, Rutshuru et Rumangabo, de couper la route stratégique Goma-Rutshuru, puis de prendre Goma, afin de forcer le Gouvernement à accepter les demandes du M23/ARC en matière d’amnistie, de restitution d’avoirs, de retour en République démocratique du Congo, d’intégration aux FARDC et d’attribution de postes politiques (voir annexe 35).
  7. Le porte-parole et des cadres politiques du M23/ARC 57. Entre août et novembre 2021, six attaques à l’engin explosif improvisé ont eu lieu en Ouganda, et deux attaques du même type y ont été déjouées. Plusieurs de ces attaques ont été revendiquées par Daech (voir annexe 25). Selon les autorités ougandaises, plusieurs assaillants, y compris les auteurs des attentats suicide, et des personnes arrêtées en lien avec la planification ou le financement des attaques, étaient liés aux ADF. Le Gouvernement ougandais a notamment indiqué que Nkalubo avait envoyé des instructions pour la fabrication d’engins explosifs improvisés par le biais de l’application de médias sociaux Telegram et coordonné les transferts d’argent pour payer les agents et la logistique des attentats (voir annexe 26). Bien que le Groupe d’experts n’exclue pas que les ADF aient été impliqués dans ces attaques, il n’a pas pu confirmer leur implication, ni déterminer la nature précise du soutien ou des directives qu’elles auraient fournis, les autorités ougandaises ne lui ayant pas accordé l’accès à des éléments de preuve essentiels ni aux personnes détenues en relation avec les attaques. De même, le Groupe d’experts n’a pas été en mesure d’établir l’existence de similitudes dans la conception des engins explosifs improvisés utilisés ou saisis en Ouganda et ceux utilisés à Beni et à Oicha.

B. Résurgence du Mouvement du 23 mars et dynamiques régionales
Attaques du Mouvement du 23 mars contre les FARDC et l’Institut congolais pour la conservation de la nature et occupation de sites stratégiques

  1. Après sa défaite en 2013, le Mouvement du 23 mars (M23), qui fait l’objet de sanctions (CDe.006), s’est scindé en deux factions : l’Armée révolutionnaire du Congo (ARC), dirigée par Bertrand Bisimwa, et l’Alliance pour le salut du peuple (ASP), dirigée par Jean-Marie Runiga. Les ex-combattants du M23 se sont retirés dans des camps en Ouganda et au Rwanda (voir S/2012/843, par. 3 à 5, S/2014/42, par. 4 à 12 et S/2015/19, par. 91 à 105). Peu sont restés en République démocratique du Congo. En décembre 2013, le M23 a signé un accord avec les autorités congolaises (voir par. 69) qui a dissous le M23 en tant que groupe armé. Cet accord fixait les règles relatives à la démobilisation, à la démilitarisation, à la réintégration sociale et à l’amnistie conditionnelle.
  2. En janvier 2017, cependant, le M23/ARC a commencé à se reconstruire lorsque des combattants dirigés par le « général » Sultani Makenga, visé par les sanctions (CDi.008), ont quitté le camp de Bihanga en Ouganda pour établir une base sur le mont Sabinyo dans le parc national des Virunga, en République démocratique du Congo.
  3. Le M23/ARC est resté inactif jusqu’au début de novembre 2021, date à laquelle il a lancé une première série d’attaques contre des positions des FARDC et de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) près de la zone où se rejoignent les frontières entre la République démocratique du Congo, le Rwanda et l’Ouganda, tuant des écogardes de l’ICCN et des soldats des FARDC, et volant des armes, des uniformes, du matériel de communication et des vivres, renforçant ainsi ses capacités militaires (voir annexe 27). Ces attaques et d’autres attaques ultérieures du M23/ARC ont poussé des civils à fuir la région par vagues successives.
  4. Après un mois d’accalmie, le M23/ARC a lancé de nouvelles attaques contre les FARDC et les positions de l’ICCN à Rutshuru, à la fin de décembre 2021, puis à nouveau fin janvier 2022. La fréquence, la durée et l’intensité des attaques du M23/ARC ont suivi une courbe ascendante, tout comme le nombre de victimes des FARDC, ce qui indique un plus grand degré de « professionnalisme », un recrutement plus actif (voir par. 66 et 67) et de meilleures capacités de réapprovisionnement.
    Ainsi, une attaque du M23/ARC contre les FARDC à Nyesisi, dans le territoire de Rutshuru, a débuté dans la nuit du 24 au 25 janvier 2022 et entraîné la mort d’au moins 40 membres des FARDC, dont leur commandant (voir annexe 28). Le 28 mars 2022, le M23/ARC a lancé des attaques simultanées contre Tshanzu, Gisiza, Ndiza et Runyoni (voir annexe 29).
  5. Malgré d’importants renforts des FARDC dans le territoire de Rutshuru (notamment à partir du secteur opérationnel Sokola 2, au détriment de zones contrôlées par les ADF, entre autres), le déploiement par la Garde présidentielle de systèmes de lance-roquettes multiples et le bombardement régulier des bases du M23 par des roquettes, le M23/ARC a continué d’attaquer des sites stratégiques, souvent avec succès (voir annexe 30).
  6. Le 29 mars 2022, un hélicoptère de la MONUSCO qui effectuait une mission de reconnaissance autour de Tshanzu s’est écrasé. Les huit Casques bleus qui se trouvaient à son bord ont été tués. Des informations préliminaires ont indiqué que l’hélicoptère avait été touché par un tir direct qui avait provoqué sa chute, et que le tir provenait d’une colline contrôlée par le M23/ARC (voir annexe 31).

Commandement, bases, recrutement et armement

  1. Les attaques de 2021 et 2022 ont été lancées sous le commandement militaire général de Makenga, tandis que le « colonel » Yusuf Mboneza dirigeait les opérations sur le terrain. Bisimwa, qui a été contraint par les autorités ougandaises de quitter Kampala le 5 janvier 2022, est resté le dirigeant politique du M23/ARC. Le 25 mars 2022, après plusieurs mois de silence, il s’est ouvertement prononcé en faveur des opérations (voir annexe 32).
  2. Le quartier général du M23/ARC était situé sur le Mont Sabinyo, en République démocratique du Congo, où se rejoignent les frontières de la République démocratique du Congo, du Rwanda et de l’Ouganda, offrant au mouvement un avantage stratégique en ce qui concerne les voies d’entrée et de sortie. Le M23/ARC possédait également d’autres camps sur le Mont Visoke, en République démocratique du Congo, près de la frontière avec le Rwanda et à une courte distance de la frontière entre le Rwanda et l’Ouganda (voir annexe 33).
  3. À partir de novembre 2021, le M23/ARC a commencé à recruter dans le camp de Bihanga, et à partir de janvier 2022, dans les territoires de Masisi et de Rutshuru et à Kitshanga, en République démocratique du Congo, ainsi qu’au Rwanda, pour renforcer rapidement ses troupes. En conséquence, alors qu’une estimation de 100 à 200 combattants ont été impliqués lors des attaques menées entre novembre 2021 et janvier 2022, au moins 400 combattants ont été observés lors de l’attaque de Bunangana, le 29 mars 2022, tandis que d’autres combattants ont été observés près de Matebe et sur la route de Rugari-Kibumba le même jour.
  4. Trois combattants du M23/ARC arrêtés, tous Banyamulenge qui s’étaient réfugiés en Ouganda et tentaient de retourner à Minembwe, dans le Sud-Kivu, lorsqu’ils ont été capturés, ont déclaré qu’ils avaient été approchés par des collaborateurs du M23/ARC à Kisoro (Ouganda) au début de mars 2022 et orientés vers des camps du M23/ARC où ils avaient reçu un entraînement militaire sous les ordres du « colonel » Kanyamibwa. Si la majorité des combattants du M23/ARC présents dans les camps étaient originaires de Masisi, certains étaient Banyamulenge, tandis que d’autres étaient des ressortissants rwandais ou parlaient le lingala. Les forces armées et les forces de sécurité de la République démocratique du Congo ont signalé la présence d’individus portant des uniformes de la Force de défense rwandaise (Rwanda Defence Force – RDF) dans des camps du M23/ARC situés en République démocratique du Congo, ce qui a été confirmé par des images aériennes et des preuves photographiques. Néanmoins, le Gouvernement rwandais a catégoriquement nié tout soutien actif ou passif de la RDF au M23/ARC (voir par. 71 et 72).
  5. Le M23/ARC était bien équipé, possédant notamment des fusils d’assaut de type AK et des armes automatiques PKM, des fusils-mitrailleurs, des mitrailleuses lourdes de 12,7 mm, des lance-roquettes, des mortiers de 60 mm et des jumelles de vision nocturne. Au début d’avril 2022, le M23/ARC a saisi des pièces d’artillerie des FARDC (voir annexe 34).
    Objectif et revendications du Mouvement du 23 mars et dynamiques régionales
  6. Les récentes attaques du M23/ARC découlent notamment de l’absence de progrès dans la mise en œuvre des Déclarations de Nairobi signées le 12 décembre 2013. Des négociations confidentielles entre le Gouvernement de la République démocratique du Congo et une délégation du M23, qui avaient débuté en septembre 2020 et s’étaient poursuivies pendant 14 mois, sont au point mort. Six combattants du M23/ARC qui ont été capturés ont déclaré que le plan de Makenga était d’attaquer et d’occuper les villes de Bunangana, Rutshuru et Rumangabo, de couper la route stratégique Goma-Rutshuru, puis de prendre Goma, afin de forcer le Gouvernement à accepter les demandes du M23/ARC en matière d’amnistie, de restitution d’avoirs, de retour en République démocratique du Congo, d’intégration aux FARDC et d’attribution de postes politiques (voir annexe 35).
  7. Le porte-parole et des cadres politiques du M23/ARC ont d’abord nié l’implication du mouvement dans les attaques de novembre et de décembre 2021, soulignant que le M23/ARC avait poursuivi un dialogue constructif avec le Président Tshisekedi depuis 2020. Toutefois, leur discours a radicalement changé en mars 2022, lorsqu’ils ont accusé à plusieurs reprises les FARDC d’attaquer leurs positions sur les monts Mikeno, Karisimbi, Visoke et Sabinyo, et le Gouvernement de refuser intentionnellement toute solution pacifique et de faire le choix de la guerre. Le M23/ARC s’est alors réservé le droit de se défendre et a annoncé qu’il poursuivrait la lutte pour apporter un changement qui ait du sens dans le pays (voir annexe 36). À la mi-avril 2022, le M23/ARC a annoncé deux cessez-le-feu unilatéraux (voir annexe 37), qui sont néanmoins restés sans effet.
  8. Les dynamiques régionales, déjà tendues, notamment en raison de l’opération conjointe Shuja des FARDC-UPDF (voir par. 19 à 22), du projet de rénovation des infrastructures routières entrepris par la République démocratique du Congo et l’Ouganda, et de la déclaration faite par le Président rwandais Kagame en février 2022 (voir annexe 38), ont été exacerbées par la résurgence du M23/ARC. Lors de réunions avec le Groupe en janvier et mars 2022, des autorités de la République démocratique du Congo ont affirmé que le M23/ARC opérait avec le soutien des forces spéciales de la RDF. En outre, le 28 mars 2022, le porte-parole du gouverneur militaire du Nord-Kivu a déclaré publiquement que, dans la nuit du 27 au 28 février, le M23, soutenu par la RDF, avait fait des incursions et attaqué des positions des FARDC à Tshanzu et à Runyoni. Cette affirmation a été catégoriquement réfutée tant par le Gouvernement rwandais que par le porte-parole du M23/ARC (voir annexe 39).
  9. Le Groupe note que, dans sa déclaration, le porte-parole du gouverneur mentionne la capture de deux soldats présumés de la RDF pour soutenir ses propos.
    Cependant, les deux soldats en question avaient été arrêtés bien avant la déclaration du porte-parole du gouverneur. L’un avait été capturé en janvier 2022 par le groupe armé Collectif des mouvements pour le changement (CMC), tandis que l’autre avait été arrêté par les FARDC, également en janvier 2022. Tous deux avaient été interrogés par le Groupe d’experts en février 2022. À la suite d’une mission de vérification réalisée en décembre 2021, le Mécanisme conjoint de vérification élargi a précisé qu’il n’était toujours pas possible de savoir si la résurgence du mouvement était le résultat d’un quelconque soutien étranger.
    C. Forces démocratiques de libération du Rwanda-Forces combattantes abacunguzi
  10. Bien qu’elles aient été considérablement affaiblies au cours de la dernière décennie, à la suite de diverses opérations militaires et de l’élimination de certains de leurs dirigeants, les Forces démocratiques de libération du Rwanda-Forces combattantes abacunguzi (FDLR-FOCA) ont continué à recruter et à former plusieurs groupes armés locaux (voir annexe 40).
  11. Depuis 2020, le commandement et la structure organisationnelle des FDLR-FOCA n’ont pas beaucoup changé. Le « lieutenant-général » Gaston Iyamuremye, alias Rumuli ou Victor Byiringiro, visé par des sanctions (CDi.003), a été nommé président des FDLR-FOCA en remplacement d’Ignace Murwanashyaka, également sanctionné (CDi.016), qui est décédé en Allemagne en 2019. Le « général » Pacifique Ntawunguka, alias Omega, également sous sanctions (CDi.024), a pris la tête de la structure militaire après le décès de Sylvestre Mudacumura, également sanctionné (CDi.012), assisté du « général » Jean-Baptiste Gakwerere, alias Julius Mkobo, Sobo Stany ou Kolomboka.
    D. Implication d’éléments armés et contrebande de tantale et de tourmaline dans le territoire de Masisi
  12. La présence d’éléments armés et les attaques armées ainsi que la taxation et l’exploitation minière illégales par certains membres des FARDC se sont poursuivies dans certaines mines de coltan et de tourmaline du territoire de Masisi en 2021 et au coltan et la tourmaline provenant de certaines de ces mines jusqu’à Sake et Goma, où ils les ont intégrés à des chaînes d’approvisionnement légales ou les ont fait sortir en contrebande de la République démocratique du Congo, comme indiqué précédemment (voir S/2021/560, par. 57 à 71). Les niveaux de contrebande transfrontalière de coltan ont augmenté d’octobre 2021 à mars 2022 au moins.
    Présence armée dans les mines
  13. Dix témoins oculaires, dont deux membres des FARDC, ont décrit la présence d’hommes armés et de quelques membres des FARDC à la mine de Rukaza/Luwowo à Rubaya, principale zone d’exploitation du coltan dans le territoire de Masisi en 2021 (voir annexe 41 ; S/2021/560, par. 62 et 63). Certains membres des FARDC ont exploité ou taxé la tourmaline, notamment à Rukaza, où des membres de la Coopérative des exploitants artisanaux miniers de Masisi (COOPERAMMA) exploitaient également des mines. Robert Habinshuti Seninga, ancien président de la COOPERAMMA, parlementaire provincial et chef de l’Assemblée provinciale du Nord-Kivu, a nié toute collusion entre les FARDC et des membres de la COOPERAMMA. Le Groupe d’experts a écrit à Better Mining, un programme d’approvisionnement responsable qui couvre la mine de Rukaza/Luwowo. La réponse de Better Mining figure à l’annexe 42.
  14. Le 10 janvier 2022, des hommes armés ont attaqué une mine de coltan à Shakubangwa, près de Ngungu, et ont pillé du coltan pour une valeur de 17 000 dollars (voir annexe 43).
    Commerce illicite
  15. Des autorités minières et des négociants ont déclaré au Groupe qu’entre septembre 2021 et au moins mars 2022, le commerce transfrontalier illicite de coltan non étiqueté provenant des mines du territoire de Masisi et à destination du Rwanda avait augmenté, ce qui a été confirmé par l’Association internationale de l’étain (International Tin Association – ITA) (voir annexe 44). Selon quatre sources issues du secteur privé, cette augmentation est due, entre autres, à la création d’une nouvelle joint-venture, Congo Fair Mining, en décembre 2020, et à des changements dans les pratiques d’achat des comptoirs de coltan à Goma (voir annexe 45).
  16. Un réseau criminel de commerçants, dont certains membres de
    COOPERAMMA, avec le soutien de Robert Habinshuti Seninga (voir S/2021/560, par. 64), a transporté des centaines de kilogrammes de coltan des mines du territoire de Masisi vers Goma, ainsi que diverses quantités de tourmaline provenant de la mine de Rukaza (voir S/2021/560, par. 62). De Goma, les minerais étaient introduits en contrebande au Rwanda pour y être vendus (voir annexe 46). Ce trafic a compromis l’intégrité de certaines chaînes d’approvisionnement en coltan au Rwanda qui étaient couvertes par l’Initiative de la chaîne d’approvisionnement en étain (ITSCI) de l’ITA, pour des chaînes d’approvisionnement responsables. Les autorités rwandaises ont indiqué au Groupe d’experts qu’aucun minéral de contrebande n’avait été intercepté au Rwanda en 2020 ou 2021.
  17. Les autorités congolaises ont pris des mesures pour intercepter les minerais faisant l’objet d’un commerce illicite. En février 2022, elles ont saisi du coltan non étiqueté d’une valeur de plusieurs centaines de milliers de dollars qui devait être transporté vers Goma. L’un des chargements était accompagné d’un membre des FARDC (voir annexe 47).
    IV. Ituri
    A. Factions de la Coopérative pour le développement du Congo
    Intensification des opérations des factions de la Coopérative pour le développement du Congo depuis l’instauration de l’état de siège
  18. La suspension partielle des opérations des factions de la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) après la signature des actes d’engagement de cessez-le-feu unilatéraux en 2020 (voir S/2021/560, par. 81) a pris fin peu après l’instauration de l’état de siège, en mai 2021.
  19. Des combats ont éclaté entre les FARDC et des factions de la CODECO dans plusieurs zones. Au même moment, des factions de la CODECO se sont engagées dans des cycles de représailles contre le groupe armé Zaïre et ont multiplié les attaques contre des civils dans les territoires de Mahagi et de Djugu (voir par. 87 à 96), ce qui a déclenché des opérations militaires conjointes FARDC-MONUSCO contre l’Union des révolutionnaires pour la défense du people congolais/ Coopérative pour le développement du Congo (URDPC/CODECO) à partir de décembre 2021.
    Le 5 avril 2022, un Casque bleu népalais a été tué par balle au cours d’une opération conjointe FARDC-MONUSCO de bouclage et de perquisition dans le village de Bali, dans la zone contrôlée par l’URDPC/CODECO.
  20. Il y a eu peu, voire aucun progrès en matière de désarmement et de démobilisation, malgré une visite à Bunia, le 28 décembre 2021, du coordonnateur du programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS), Tommy Tambwe, et la nomination, en décembre 2021, d’une « taskforce » dirigée par Thomas Lubanga, qui fait l’objet de sanctions (CDi.007). Au contraire, les dirigeants de l’URDPC/CODECO, se référant aux processus précédents au cours desquels ils avaient soumis leurs demandes, ont refusé de rencontrer l’équipe spéciale jusqu’à ce que d’autres groupes armés, dont Zaïre, rejoignent le processus. Le 16 février 2022, des factions de la CODECO ont enlevé près de Bambu plusieurs membres de la taskforce qui ont recouvré leur liberté les 4 et 12 avril 2022 (voir annexe 48).
    Commandement, structure et recrutement
  21. Le commandement et la structure des factions de la CODECO ont peu changé (voir annexe 49 et S/2020/1283, annexe 21). Toutefois, sous l’impulsion de l’URDPC/CODECO, des factions de la CODECO, ou à tout le moins certains combattants et commandants de ces factions, ont commencé à se regrouper à partir de la fin de 2021 environ.
  22. Un ancien combattant de la Force de défense contre la balkanisation du Congo (FDBC) a expliqué qu’il avait rejoint l’URDPC/CODECO en mars 2022 et qu’il faisait campagne pour persuader ceux qui ne l’avaient pas encore fait de rejoindre URDPC/CODECO. Le même combattant a déclaré, tout comme les dirigeants de l’URDPC/CODECO, que le « général » Kadogo, qui avait succédé au chef de Bon Temple, Tuwo, après son assassinat en mai 2021 par la FDBC (voir S/2021/560, annexe 68), avait rejoint l’URDPC/CODECO et était chargé des opérations dans la région de Nyangaray (voir également le paragraphe 127 concernant les relations avec la FPIC).
  23. Si certaines recrues se sont engagées volontairement, en partie en réaction à certains crimes commis par certains membres des FARDC contre la population Lendu (voir par. 130 à 140 et S/2021/560, par. 113 à 120), des factions de la CODECO ont recruté de force des hommes lendu, obligeant certains à fuir. L’URDPC/CODECO, avec l’aide de certains chefs locaux, a organisé des rotations de civils lendu contraints de prendre part aux combats et d’attaquer des villages hima.

Crimes contre des civils et utilisation d’enfants
Attaques contre des camps de personnes déplacées internes par l’Union des révolutionnaires pour la défense du people congolais/Coopérative pour le 57. Entre août et novembre 2021, six attaques à l’engin explosif improvisé ont eu lieu en Ouganda, et deux attaques du même type y ont été déjouées. Plusieurs de ces attaques ont été revendiquées par Daech (voir annexe 25). Selon les autorités ougandaises, plusieurs assaillants, y compris les auteurs des attentats suicide, et des personnes arrêtées en lien avec la planification ou le financement des attaques, étaient liés aux ADF. Le Gouvernement ougandais a notamment indiqué que Nkalubo avait envoyé des instructions pour la fabrication d’engins explosifs improvisés par le biais de l’application de médias sociaux Telegram et coordonné les transferts d’argent pour payer les agents et la logistique des attentats (voir annexe 26). Bien que le Groupe d’experts n’exclue pas que les ADF aient été impliqués dans ces attaques, il n’a pas pu confirmer leur implication, ni déterminer la nature précise du soutien ou des directives qu’elles auraient fournis, les autorités ougandaises ne lui ayant pas accordé l’accès à des éléments de preuve essentiels ni aux personnes détenues en relation avec les attaques. De même, le Groupe d’experts n’a pas été en mesure d’établir l’existence de similitudes dans la conception des engins explosifs improvisés utilisés ou saisis en Ouganda et ceux utilisés à Beni et à Oicha.

B. Résurgence du Mouvement du 23 mars et dynamiques régionales
Attaques du Mouvement du 23 mars contre les FARDC et l’Institut congolais pour la conservation de la nature et occupation de sites stratégiques

  1. Après sa défaite en 2013, le Mouvement du 23 mars (M23), qui fait l’objet de sanctions (CDe.006), s’est scindé en deux factions : l’Armée révolutionnaire du Congo (ARC), dirigée par Bertrand Bisimwa, et l’Alliance pour le salut du peuple (ASP), dirigée par Jean-Marie Runiga. Les ex-combattants du M23 se sont retirés dans des camps en Ouganda et au Rwanda (voir S/2012/843, par. 3 à 5, S/2014/42, par. 4 à 12 et S/2015/19, par. 91 à 105). Peu sont restés en République démocratique du Congo. En décembre 2013, le M23 a signé un accord avec les autorités congolaises (voir par. 69) qui a dissous le M23 en tant que groupe armé. Cet accord fixait les règles relatives à la démobilisation, à la démilitarisation, à la réintégration sociale et à l’amnistie conditionnelle.
  2. En janvier 2017, cependant, le M23/ARC a commencé à se reconstruire lorsque des combattants dirigés par le « général » Sultani Makenga, visé par les sanctions (CDi.008), ont quitté le camp de Bihanga en Ouganda pour établir une base sur le mont Sabinyo dans le parc national des Virunga, en République démocratique du Congo.
  3. Le M23/ARC est resté inactif jusqu’au début de novembre 2021, date à laquelle il a lancé une première série d’attaques contre des positions des FARDC et de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) près de la zone où se rejoignent les frontières entre la République démocratique du Congo, le Rwanda et l’Ouganda, tuant des écogardes de l’ICCN et des soldats des FARDC, et volant des armes, des uniformes, du matériel de communication et des vivres, renforçant ainsi ses capacités militaires (voir annexe 27). Ces attaques et d’autres attaques ultérieures du M23/ARC ont poussé des civils à fuir la région par vagues successives.
  4. Après un mois d’accalmie, le M23/ARC a lancé de nouvelles attaques contre les FARDC et les positions de l’ICCN à Rutshuru, à la fin de décembre 2021, puis à nouveau fin janvier 2022. La fréquence, la durée et l’intensité des attaques du M23/ARC ont suivi une courbe ascendante, tout comme le nombre de victimes des FARDC, ce qui indique un plus grand degré de « professionnalisme », un recrutement plus actif (voir par. 66 et 67) et de meilleures capacités de réapprovisionnement.
    Ainsi, une attaque du M23/ARC contre les FARDC à Nyesisi, dans le territoire de Rutshuru, a débuté dans la nuit du 24 au 25 janvier 2022 et entraîné la mort d’au moins 40 membres des FARDC, dont leur commandant (voir annexe 28). Le 28 mars 2022, le M23/ARC a lancé des attaques simultanées contre Tshanzu, Gisiza, Ndiza et Runyoni (voir annexe 29).
  5. Malgré d’importants renforts des FARDC dans le territoire de Rutshuru (notamment à partir du secteur opérationnel Sokola 2, au détriment de zones contrôlées par les ADF, entre autres), le déploiement par la Garde présidentielle de systèmes de lance-roquettes multiples et le bombardement régulier des bases du M23 par des roquettes, le M23/ARC a continué d’attaquer des sites stratégiques, souvent avec succès (voir annexe 30).
  6. Le 29 mars 2022, un hélicoptère de la MONUSCO qui effectuait une mission de reconnaissance autour de Tshanzu s’est écrasé. Les huit Casques bleus qui se trouvaient à son bord ont été tués. Des informations préliminaires ont indiqué que l’hélicoptère avait été touché par un tir direct qui avait provoqué sa chute, et que le tir provenait d’une colline contrôlée par le M23/ARC (voir annexe 31).

Commandement, bases, recrutement et armement

  1. Les attaques de 2021 et 2022 ont été lancées sous le commandement militaire général de Makenga, tandis que le « colonel » Yusuf Mboneza dirigeait les opérations sur le terrain. Bisimwa, qui a été contraint par les autorités ougandaises de quitter Kampala le 5 janvier 2022, est resté le dirigeant politique du M23/ARC. Le 25 mars 2022, après plusieurs mois de silence, il s’est ouvertement prononcé en faveur des opérations (voir annexe 32).
  2. Le quartier général du M23/ARC était situé sur le Mont Sabinyo, en République démocratique du Congo, où se rejoignent les frontières de la République démocratique du Congo, du Rwanda et de l’Ouganda, offrant au mouvement un avantage stratégique en ce qui concerne les voies d’entrée et de sortie. Le M23/ARC possédait également d’autres camps sur le Mont Visoke, en République démocratique du Congo, près de la frontière avec le Rwanda et à une courte distance de la frontière entre le Rwanda et l’Ouganda (voir annexe 33).
  3. À partir de novembre 2021, le M23/ARC a commencé à recruter dans le camp de Bihanga, et à partir de janvier 2022, dans les territoires de Masisi et de Rutshuru et à Kitshanga, en République démocratique du Congo, ainsi qu’au Rwanda, pour renforcer rapidement ses troupes. En conséquence, alors qu’une estimation de 100 à 200 combattants ont été impliqués lors des attaques menées entre novembre 2021 et janvier 2022, au moins 400 combattants ont été observés lors de l’attaque de Bunangana, le 29 mars 2022, tandis que d’autres combattants ont été observés près de Matebe et sur la route de Rugari-Kibumba le même jour.
  4. Trois combattants du M23/ARC arrêtés, tous Banyamulenge qui s’étaient réfugiés en Ouganda et tentaient de retourner à Minembwe, dans le Sud-Kivu, lorsqu’ils ont été capturés, ont déclaré qu’ils avaient été approchés par des collaborateurs du M23/ARC à Kisoro (Ouganda) au début de mars 2022 et orientés vers des camps du M23/ARC où ils avaient reçu un entraînement militaire sous les ordres du « colonel » Kanyamibwa. Si la majorité des combattants du M23/ARC présents dans les camps étaient originaires de Masisi, certains étaient Banyamulenge, tandis que d’autres étaient des ressortissants rwandais ou parlaient le lingala. Les forces armées et les forces de sécurité de la République démocratique du Congo ont signalé la présence d’individus portant des uniformes de la Force de défense rwandaise (Rwanda Defence Force – RDF) dans des camps du M23/ARC situés en République démocratique du Congo, ce qui a été confirmé par des images aériennes et des preuves photographiques. Néanmoins, le Gouvernement rwandais a catégoriquement nié tout soutien actif ou passif de la RDF au M23/ARC (voir par. 71 et 72).
  5. Le M23/ARC était bien équipé, possédant notamment des fusils d’assaut de type AK et des armes automatiques PKM, des fusils-mitrailleurs, des mitrailleuses lourdes de 12,7 mm, des lance-roquettes, des mortiers de 60 mm et des jumelles de vision nocturne. Au début d’avril 2022, le M23/ARC a saisi des pièces d’artillerie des FARDC (voir annexe 34).
    Objectif et revendications du Mouvement du 23 mars et dynamiques régionales
  6. Les récentes attaques du M23/ARC découlent notamment de l’absence de progrès dans la mise en œuvre des Déclarations de Nairobi signées le 12 décembre 2013. Des négociations confidentielles entre le Gouvernement de la République démocratique du Congo et une délégation du M23, qui avaient débuté en septembre 2020 et s’étaient poursuivies pendant 14 mois, sont au point mort. Six combattants du M23/ARC qui ont été capturés ont déclaré que le plan de Makenga était d’attaquer et d’occuper les villes de Bunangana, Rutshuru et Rumangabo, de couper la route stratégique Goma-Rutshuru, puis de prendre Goma, afin de forcer le Gouvernement à accepter les demandes du M23/ARC en matière d’amnistie, de restitution d’avoirs, de retour en République démocratique du Congo, d’intégration aux FARDC et d’attribution de postes politiques (voir annexe 35).
  7. Le porte-parole et des cadres politiques du M23/ARC ont d’abord nié l’implication du mouvement dans les attaques de novembre et de décembre 2021, soulignant que le M23/ARC avait poursuivi un dialogue constructif avec le Président Tshisekedi depuis 2020. Toutefois, leur discours a radicalement changé en mars 2022, lorsqu’ils ont accusé à plusieurs reprises les FARDC d’attaquer leurs positions sur les monts Mikeno, Karisimbi, Visoke et Sabinyo, et le Gouvernement de refuser intentionnellement toute solution pacifique et de faire le choix de la guerre. Le M23/ARC s’est alors réservé le droit de se défendre et a annoncé qu’il poursuivrait la lutte pour apporter un changement qui ait du sens dans le pays (voir annexe 36). À la mi-avril 2022, le M23/ARC a annoncé deux cessez-le-feu unilatéraux (voir annexe 37), qui sont néanmoins restés sans effet.
  8. Les dynamiques régionales, déjà tendues, notamment en raison de l’opération conjointe Shuja des FARDC-UPDF (voir par. 19 à 22), du projet de rénovation des infrastructures routières entrepris par la République démocratique du Congo et l’Ouganda, et de la déclaration faite par le Président rwandais Kagame en février 2022 (voir annexe 38), ont été exacerbées par la résurgence du M23/ARC. Lors de réunions avec le Groupe en janvier et mars 2022, des autorités de la République démocratique du Congo ont affirmé que le M23/ARC opérait avec le soutien des forces spéciales de la RDF. En outre, le 28 mars 2022, le porte-parole du gouverneur militaire du Nord-Kivu a déclaré publiquement que, dans la nuit du 27 au 28 février, le M23, soutenu par la RDF, avait fait des incursions et attaqué des positions des FARDC à Tshanzu et à Runyoni. Cette affirmation a été catégoriquement réfutée tant par le Gouvernement rwandais que par le porte-parole du M23/ARC (voir annexe 39).
  9. Le Groupe note que, dans sa déclaration, le porte-parole du gouverneur mentionne la capture de deux soldats présumés de la RDF pour soutenir ses propos.
    Cependant, les deux soldats en question avaient été arrêtés bien avant la déclaration du porte-parole du gouverneur. L’un avait été capturé en janvier 2022 par le groupe armé Collectif des mouvements pour le changement (CMC), tandis que l’autre avait été arrêté par les FARDC, également en janvier 2022. Tous deux avaient été interrogés par le Groupe d’experts en février 2022. À la suite d’une mission de vérification réalisée en décembre 2021, le Mécanisme conjoint de vérification élargi a précisé qu’il n’était toujours pas possible de savoir si la résurgence du mouvement était le résultat d’un quelconque soutien étranger.
    C. Forces démocratiques de libération du Rwanda-Forces combattantes abacunguzi
  10. Bien qu’elles aient été considérablement affaiblies au cours de la dernière décennie, à la suite de diverses opérations militaires et de l’élimination de certains de leurs dirigeants, les Forces démocratiques de libération du Rwanda-Forces combattantes abacunguzi (FDLR-FOCA) ont continué à recruter et à former plusieurs groupes armés locaux (voir annexe 40).
  11. Depuis 2020, le commandement et la structure organisationnelle des FDLR-FOCA n’ont pas beaucoup changé. Le « lieutenant-général » Gaston Iyamuremye, alias Rumuli ou Victor Byiringiro, visé par des sanctions (CDi.003), a été nommé président des FDLR-FOCA en remplacement d’Ignace Murwanashyaka, également sanctionné (CDi.016), qui est décédé en Allemagne en 2019. Le « général » Pacifique Ntawunguka, alias Omega, également sous sanctions (CDi.024), a pris la tête de la structure militaire après le décès de Sylvestre Mudacumura, également sanctionné (CDi.012), assisté du « général » Jean-Baptiste Gakwerere, alias Julius Mkobo, Sobo Stany ou Kolomboka.
    D. Implication d’éléments armés et contrebande de tantale et de tourmaline dans le territoire de Masisi
  12. La présence d’éléments armés et les attaques armées ainsi que la taxation et l’exploitation minière illégales par certains membres des FARDC se sont poursuivies dans certaines mines de coltan et de tourmaline du territoire de Masisi en 2021 et au coltan et la tourmaline provenant de certaines de ces mines jusqu’à Sake et Goma, où ils les ont intégrés à des chaînes d’approvisionnement légales ou les ont fait sortir en contrebande de la République démocratique du Congo, comme indiqué précédemment (voir S/2021/560, par. 57 à 71). Les niveaux de contrebande transfrontalière de coltan ont augmenté d’octobre 2021 à mars 2022 au moins.
    Présence armée dans les mines
  13. Dix témoins oculaires, dont deux membres des FARDC, ont décrit la présence d’hommes armés et de quelques membres des FARDC à la mine de Rukaza/Luwowo à Rubaya, principale zone d’exploitation du coltan dans le territoire de Masisi en 2021 (voir annexe 41 ; S/2021/560, par. 62 et 63). Certains membres des FARDC ont exploité ou taxé la tourmaline, notamment à Rukaza, où des membres de la Coopérative des exploitants artisanaux miniers de Masisi (COOPERAMMA) exploitaient également des mines. Robert Habinshuti Seninga, ancien président de la COOPERAMMA, parlementaire provincial et chef de l’Assemblée provinciale du Nord-Kivu, a nié toute collusion entre les FARDC et des membres de la COOPERAMMA. Le Groupe d’experts a écrit à Better Mining, un programme d’approvisionnement responsable qui couvre la mine de Rukaza/Luwowo. La réponse de Better Mining figure à l’annexe 42.
  14. Le 10 janvier 2022, des hommes armés ont attaqué une mine de coltan à Shakubangwa, près de Ngungu, et ont pillé du coltan pour une valeur de 17 000 dollars (voir annexe 43).
    Commerce illicite
  15. Des autorités minières et des négociants ont déclaré au Groupe qu’entre septembre 2021 et au moins mars 2022, le commerce transfrontalier illicite de coltan non étiqueté provenant des mines du territoire de Masisi et à destination du Rwanda avait augmenté, ce qui a été confirmé par l’Association internationale de l’étain (International Tin Association – ITA) (voir annexe 44). Selon quatre sources issues du secteur privé, cette augmentation est due, entre autres, à la création d’une nouvelle joint-venture, Congo Fair Mining, en décembre 2020, et à des changements dans les pratiques d’achat des comptoirs de coltan à Goma (voir annexe 45).
  16. Un réseau criminel de commerçants, dont certains membres de
    COOPERAMMA, avec le soutien de Robert Habinshuti Seninga (voir S/2021/560, par. 64), a transporté des centaines de kilogrammes de coltan des mines du territoire de Masisi vers Goma, ainsi que diverses quantités de tourmaline provenant de la mine de Rukaza (voir S/2021/560, par. 62). De Goma, les minerais étaient introduits en contrebande au Rwanda pour y être vendus (voir annexe 46). Ce trafic a compromis l’intégrité de certaines chaînes d’approvisionnement en coltan au Rwanda qui étaient couvertes par l’Initiative de la chaîne d’approvisionnement en étain (ITSCI) de l’ITA, pour des chaînes d’approvisionnement responsables. Les autorités rwandaises ont indiqué au Groupe d’experts qu’aucun minéral de contrebande n’avait été intercepté au Rwanda en 2020 ou 2021.
  17. Les autorités congolaises ont pris des mesures pour intercepter les minerais faisant l’objet d’un commerce illicite. En février 2022, elles ont saisi du coltan non étiqueté d’une valeur de plusieurs centaines de milliers de dollars qui devait être transporté vers Goma. L’un des chargements était accompagné d’un membre des FARDC (voir annexe 47).
    IV. Ituri
    A. Factions de la Coopérative pour le développement du Congo
    Intensification des opérations des factions de la Coopérative pour le développement du Congo depuis l’instauration de l’état de siège
  18. La suspension partielle des opérations des factions de la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) après la signature des actes d’engagement de cessez-le-feu unilatéraux en 2020 (voir S/2021/560, par. 81) a pris fin peu après l’instauration de l’état de siège, en mai 2021.
  19. Des combats ont éclaté entre les FARDC et des factions de la CODECO dans plusieurs zones. Au même moment, des factions de la CODECO se sont engagées dans des cycles de représailles contre le groupe armé Zaïre et ont multiplié les attaques contre des civils dans les territoires de Mahagi et de Djugu (voir par. 87 à 96), ce qui a déclenché des opérations militaires conjointes FARDC-MONUSCO contre l’Union des révolutionnaires pour la défense du people congolais/ Coopérative pour le développement du Congo (URDPC/CODECO) à partir de décembre 2021.
    Le 5 avril 2022, un Casque bleu népalais a été tué par balle au cours d’une opération conjointe FARDC-MONUSCO de bouclage et de perquisition dans le village de Bali, dans la zone contrôlée par l’URDPC/CODECO.
  20. Il y a eu peu, voire aucun progrès en matière de désarmement et de démobilisation, malgré une visite à Bunia, le 28 décembre 2021, du coordonnateur du programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS), Tommy Tambwe, et la nomination, en décembre 2021, d’une « taskforce » dirigée par Thomas Lubanga, qui fait l’objet de sanctions (CDi.007). Au contraire, les dirigeants de l’URDPC/CODECO, se référant aux processus précédents au cours desquels ils avaient soumis leurs demandes, ont refusé de rencontrer l’équipe spéciale jusqu’à ce que d’autres groupes armés, dont Zaïre, rejoignent le processus. Le 16 février 2022, des factions de la CODECO ont enlevé près de Bambu plusieurs membres de la taskforce qui ont recouvré leur liberté les 4 et 12 avril 2022 (voir annexe 48).
    Commandement, structure et recrutement
  21. Le commandement et la structure des factions de la CODECO ont peu changé (voir annexe 49 et S/2020/1283, annexe 21). Toutefois, sous l’impulsion de l’URDPC/CODECO, des factions de la CODECO, ou à tout le moins certains combattants et commandants de ces factions, ont commencé à se regrouper à partir de la fin de 2021 environ.
  22. Un ancien combattant de la Force de défense contre la balkanisation du Congo (FDBC) a expliqué qu’il avait rejoint l’URDPC/CODECO en mars 2022 et qu’il faisait campagne pour persuader ceux qui ne l’avaient pas encore fait de rejoindre URDPC/CODECO. Le même combattant a déclaré, tout comme les dirigeants de l’URDPC/CODECO, que le « général » Kadogo, qui avait succédé au chef de Bon Temple, Tuwo, après son assassinat en mai 2021 par la FDBC (voir S/2021/560, annexe 68), avait rejoint l’URDPC/CODECO et était chargé des opérations dans la région de Nyangaray (voir également le paragraphe 127 concernant les relations avec la FPIC).
  23. Si certaines recrues se sont engagées volontairement, en partie en réaction à certains crimes commis par certains membres des FARDC contre la population Lendu (voir par. 130 à 140 et S/2021/560, par. 113 à 120), des factions de la CODECO ont recruté de force des hommes lendu, obligeant certains à fuir. L’URDPC/CODECO, avec l’aide de certains chefs locaux, a organisé des rotations de civils lendu contraints de prendre part aux combats et d’attaquer des villages hima.

Crimes contre des civils et utilisation d’enfants
Attaques contre des camps de personnes déplacées internes par l’Union des révolutionnaires pour la défense du people congolais/Coopérative pour le développement du Congo – URDPC/CODECO

  1. De mi-novembre 2021 à début février 2022, des factions de la CODECO ont mené une série d’attaques meurtrières contre des camps de personnes déplacées internes dans les chefferies de Bahema Nord et de Bahema Badjere, dans un contexte de tensions croissantes entre les factions de la CODECO et Zaïre à partir d’octobre 2021 (voir annexe 50).
  2. L’URDPC/CODECO a attaqué le camp de déplacés de Tsuya, près de la mission catholique de Drodro, le 21 novembre 2021, et le camp de déplacés de Jangi-Ivo, près du centre de Drodro, le 28 novembre 2021 (voir annexe 51). Ces camps abritaient environ 15 000 personnes au total, presque toutes membres de la communauté hima. Dans le camp de Tsuya, 32 personnes déplacées internes ont été tuées, dont 11 femmes, 11 enfants et 11 personnes âgées (voir annexe 52). Vingt-quatre personnes déplacées internes ont été tuées dans le camp de Jangi-Ivo.
  3. Ces attaques ont immédiatement entraîné le déplacement massif des personnes déplacées internes vivant à Drodro et de la population des villages environnants vers le camp de déplacés de Rhoe, qui jouxte la base militaire de la MONUSCO. Le nombre de déplacés est ainsi passé d’environ 21 000 en octobre 2021 à environ 65 000 au plus fort de la crise (voir annexe 53).
  4. Dans la soirée du 1 février 2022, l’URDPC/CODECO a attaqué le camp de déplacés de Plaine Savo, à Bule, qui abritait environ 24 000 personnes, presque toutes hima. Soixante-deux personnes ont été tuées, dont 17 femmes et 19 enfants (voir annexe 54). Une femme a subi des mutilations génitales. Au moins 38 personnes ont été blessées, dont 21 grièvement, parmi lesquelles 17 enfants. De nombreux abris ont été détruits par les assaillants, qui ont vérifié si des personnes se trouvaient à l’intérieur (voir annexe 55).
  5. À Drodro et à Plaine Savo, des combattants de l’URDPC/CODECO ont tué et ont blessé des personnes déplacées au moyen d’armes à feu et de machettes. Leurs actions ont par ailleurs témoigné d’un certain degré de planification et de l’application de tactiques militaires. Ils étaient notamment identifiables par leurs tenues spécifiques. En outre, lors de l’attaque du 21 novembre contre Drodro, ils ont attaqué simultanément des villages voisins.
  6. À Plaine Savo, les combattants avaient attaché des torches à leurs armes et se parlaient en code pour se distinguer des personnes déplacées hima vivant dans le camp. Ils ont tiré sur ceux qui fuyaient ou qui n’ont pas pu donner le code convenu.
    Six personnes déplacées internes ont entendu les combattants dire qu’ils étaient venus pour les exécuter. Une personne déplacée les a entendus dire qu’ils cherchaient des armes.
  7. Selon plusieurs sources, les attaques menées à Plaine Savo et à Drodro étaient des représailles contre les opérations de Zaïre et le pillage de champs appartenant à des Lendu par des Hima et/ou des combattants de Zaïre, et avaient été motivées par des soupçons selon lesquels des combattants de Zaïre vivaient dans les camps de déplacés ou y avaient caché des armes. Les dirigeants de l’URDPC/CODECO ont déclaré que la présence de Zaïre dans les camps avait motivé les attaques.
    Persistance des violences sexuelles liées au conflit
  8. Les actes de violence liés au conflit commis par des combattants de la CODECO, y compris des membres de l’URDPC/CODECO, sont restés généralisés tout au long des années 2021 et 2022, et ont été largement commis en toute impunité (voir S/2021/560, par. 84 à 86). Des femmes et des jeunes filles de toutes les ethnies qui menaient leurs activités quotidiennes de subsistance ont été violées, parfois en réunion, à plusieurs reprises. Des viols et des viols collectifs ont également eu lieu lors d’attaques et ont été utilisés comme moyen de représailles (voir l’annexe 56 pour des détails sur d’autres cas de viols).
  9. Ainsi, en février 2022, dans des champs à Biba, près de Nizi, un combattant de l’URDPC/CODECO ou des FDBC a violé une fille de la communauté mambisa âgée de 12 ans, et deux autres combattants ont violé une fille de 16 ans. Leur chef a ensuite interrogé les filles au sujet du groupe armé Zaïre et les a ensuite utilisées dans le cadre de négociations pour tenter d’obtenir la libération d’un homme d’affaires Lendu enlevé par Zaïre.
  10. En mai 2021, à Londoni, près de Libi, lors d’un raid au cours duquel des combattants de l’URDPC/CODECO ont tué un homme lendu parce qu’il ne soutenait pas le groupe armé, les combattants ont violé en réunion deux femmes Lendu. En janvier 2022, deux combattants de l’URDPC/CODECO ont violé la femme d’un acteur de la société civile du secteur de Walendu-Tatsi qui ne soutenait pas l’URDPC/CODECO.
    Persistance des crimes contre des membres de la communauté lendu
  11. Des factions de la CODECO ont continué de réprimer les civils lendu non coopératifs, y compris des chefs locaux (voir S/2019/974, par. 92), en les tuant (voir par. 96) ou en les maltraitant, et en battant ou en détenant ceux qui refusaient de payer des taxes ou qui n’en avaient pas les moyens (voir par. 111).
  12. Le 16 janvier 2022, par exemple, des combattants de l’URDPC/CODECO ont arrêté un acteur de la société civile dans le secteur de Walendu-Tatsi, ont tiré avec l’arme qu’ils avaient placée sur sa tête et l’ont roué de coups, l’accusant d’avoir trahi un chef spirituel de l’URDPC/CODECO que les FARDC avaient arrêté le même jour.
    Utilisation d’enfants
  13. Des factions de la CODECO ont continué d’utiliser des enfants dès l’âge de 10 ans, notamment comme combattants et pour tenir les points de contrôle de l’URDPC/CODECO et des FDBC. Certains portaient des armes blanches et des baïonnettes (voir S/2020/1283, par. 50). Le commandement de l’URDPC/CODECO a nié avoir utilisé des enfants.
  14. Les actes présentés dans cette section et ceux commis contre des travailleurs dans des sites miniers, tels que décrits au paragraphe 115, peuvent donner lieu à des sanctions en vertu des dispositions des alinéas d) et/ou e) du paragraphe 7 de la résolution 2293 (2016), reconduites par la résolution 2582 (2021).
    B. Zaïre
  15. Bien qu’il ait conservé un profil bas et soit resté secret en ce qui concerne son organisation et sa structure (voir S/2021/560, par. 108), et malgré des disparités observées entre ses zones d’opérations, le groupe armé Zaïre, également connu sous le nom de Front populaire d’autodéfense en Ituri (FPAC), est devenu plus visible à partir d’octobre 2021, notamment en raison de ses opérations contre les factions de la CODECO, de crimes perpétrés contre des civils et de la prise de contrôle de plusieurs zones, notamment dans le territoire de Djugu.
    Commandement, opérations et armement
  16. Le « général » Zawadi Vajeru est resté à la tête de Zaïre (voir S/2021/560, par. 109). Il coordonnait le groupe armé aux côtés du « général » Logo Marine Mugenyi, chargé des opérations, et de Babala Fidele Castro Ngabu, président des jeunes à Iga-Barrière. Castro, arrêté en décembre 2021 par les autorités congolaises mais libéré en janvier 2022 sous la pression des représentants de haut rang de la communauté hima, s’est rendu dans la région de Mongbwalu. Babale Ngadjole, alias Pharaon, et Fabrice Maki Jawyambe dirigeaient Zaïre à Lodjo et à Pluto, respectivement (voir annexe 57).
  17. Les commandants de Zaïre, dont Marine et Castro, ont coordonné les opérations par l’intermédiaire de plusieurs chefs de village et de présidents des jeunes. Marine et Castro ont tous deux régulièrement sillonné les zones sous contrôle de Zaïre pour galvaniser leurs sympathisants, motiver les combattants et organiser des collectes de fonds en amont des opérations (voir par. 113). Des ex-combattants de Zaïre ont expliqué que des ex-combattants de l’Union des patriotes congolais (UPC) ayant participé à la deuxième guerre du Congo avaient rejoint Zaïre depuis au moins 2021. Zaïre a créé un centre de formation à Pilipili en novembre 2021.
  18. Depuis au moins octobre 2021, Zaïre a lancé des opérations contre des factions de la CODECO. Sept ex-combattants de Zaïre ont précisé que certaines de ces opérations étaient menées conjointement avec des membres des FARDC. Ils ont expliqué que des ex-combattants de l’UPC avaient apporté des armes et des munitions qui avaient été dissimulées, mais que Zaïre avait également reçu du matériel des mains de certains membres des FARDC. Certains barrages routiers installés par Zaïre se trouvaient à seulement 200 ou 300 mètres de postes de contrôle des FARDC, comme l’a observé le Groupe d’experts dans le village de Maze le 12 mars 2022.
    Crimes contre des civils
  19. Zaïre a ciblé des membres de la communauté lendu. Dans la zone minière autour de Mongbwalu, en particulier, et sous les ordres de Pharaon, Zaïre a pourchassé les Lendu, les tuant en représailles des crimes commis par des factions de la CODECO et poussant nombre d’entre eux à fuir la zone. Zaïre a continué de contrôler l’appartenance ethnique des personnes se présentant aux barrages routiers (voir S/2021/560, par. 109), tuant les personnes identifiées comme étant des Lendu. par exemple, en février 2022, des membres de Zaïre ont tué un homme d’affaires lendu à Kpata Kpata, à proximité de Nizi. Le Groupe d’experts n’a toutefois pas pu établir l’ampleur exacte des meurtres, faute d’avoir pu accéder à la zone pour des raisons de sécurité et de logistique. En outre, des combattants armés de Zaïre ont tiré des coups de feu et scandé en chantant que les Lendu devait quitter Mongbwalu lorsqu’ils y ont manifesté le 16 février 2022 (voir annexe 58 et par. 120).
  20. Zaïre a également commis des crimes contre des civils issus de ses propres communautés qui n’avaient pas respecté ses règles. Par exemple, à Pluto, toute personne qui ne s’acquittait pas des travaux communautaires hebdomadaires obligatoires (salongo) était punie d’une amende, d’une peine de prison ou de coups de fouet, dont le nombre était majoré de 100 coups par jour. Au moins un homme issu de la communauté alur est décédé en février 2022 des suites des coups de fouet reçus.
    En mars 2022, Zaïre a décidé que les coups de fouet seraient proportionnels aux « infractions » commises. Les personnes soupçonnées d’avoir simplement évoqué le groupe Zaïre ont été menacées de représailles et les journalistes se sont vu interdire de se rendre dans les zones d’opérations de Zaïre.
    C. Factions de la Coopérative pour le développement du Congo et Zaïre : or et financement
  21. Pendant la période considérée, l’or est resté une source de financement majeure tant pour les factions de la CODECO que pour Zaïre (voir S/2021/560, par. 95 et 111).
  22. Les dirigeants de l’URDPC/CODECO ont réaffirmé que conserver le contrôle des mines d’or était une priorité. Zaïre a également fait de la prise de contrôle de nouvelles mines d’or une priorité, en particulier autour de Mongbwalu. Zaïre et les factions de la CODECO ont mené des attaques de représailles contre des mines d’or et des centres de négoce de l’or dans leurs zones d’opérations respectives, en particulier fin 2021 et début 2022 dans le territoire de Djugu.
  23. L’URDPC/CODECO et la FDBC ont généré des fonds en 2021 et 2022 en extrayant de l’or, ainsi qu’en attaquant et en 57. Entre août et novembre 2021, six attaques à l’engin explosif improvisé ont eu lieu en Ouganda, et deux attaques du même type y ont été déjouées. Plusieurs de ces attaques ont été revendiquées par Daech (voir annexe 25). Selon les autorités ougandaises, plusieurs assaillants, y compris les auteurs des attentats suicide, et des personnes arrêtées en lien avec la planification ou le financement des attaques, étaient liés aux ADF. Le Gouvernement ougandais a notamment indiqué que Nkalubo avait envoyé des instructions pour la fabrication d’engins explosifs improvisés par le biais de l’application de médias sociaux Telegram et coordonné les transferts d’argent pour payer les agents et la logistique des attentats (voir annexe 26). Bien que le Groupe d’experts n’exclue pas que les ADF aient été impliqués dans ces attaques, il n’a pas pu confirmer leur implication, ni déterminer la nature précise du soutien ou des directives qu’elles auraient fournis, les autorités ougandaises ne lui ayant pas accordé l’accès à des éléments de preuve essentiels ni aux personnes détenues en relation avec les attaques. De même, le Groupe d’experts n’a pas été en mesure d’établir l’existence de similitudes dans la conception des engins explosifs improvisés utilisés ou saisis en Ouganda et ceux utilisés à Beni et à Oicha.

B. Résurgence du Mouvement du 23 mars et dynamiques régionales
Attaques du Mouvement du 23 mars contre les FARDC et l’Institut congolais pour la conservation de la nature et occupation de sites stratégiques

  1. Après sa défaite en 2013, le Mouvement du 23 mars (M23), qui fait l’objet de sanctions (CDe.006), s’est scindé en deux factions : l’Armée révolutionnaire du Congo (ARC), dirigée par Bertrand Bisimwa, et l’Alliance pour le salut du peuple (ASP), dirigée par Jean-Marie Runiga. Les ex-combattants du M23 se sont retirés dans des camps en Ouganda et au Rwanda (voir S/2012/843, par. 3 à 5, S/2014/42, par. 4 à 12 et S/2015/19, par. 91 à 105). Peu sont restés en République démocratique du Congo. En décembre 2013, le M23 a signé un accord avec les autorités congolaises (voir par. 69) qui a dissous le M23 en tant que groupe armé. Cet accord fixait les règles relatives à la démobilisation, à la démilitarisation, à la réintégration sociale et à l’amnistie conditionnelle.
  2. En janvier 2017, cependant, le M23/ARC a commencé à se reconstruire lorsque des combattants dirigés par le « général » Sultani Makenga, visé par les sanctions (CDi.008), ont quitté le camp de Bihanga en Ouganda pour établir une base sur le mont Sabinyo dans le parc national des Virunga, en République démocratique du Congo.
  3. Le M23/ARC est resté inactif jusqu’au début de novembre 2021, date à laquelle il a lancé une première série d’attaques contre des positions des FARDC et de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) près de la zone où se rejoignent les frontières entre la République démocratique du Congo, le Rwanda et l’Ouganda, tuant des écogardes de l’ICCN et des soldats des FARDC, et volant des armes, des uniformes, du matériel de communication et des vivres, renforçant ainsi ses capacités militaires (voir annexe 27). Ces attaques et d’autres attaques ultérieures du M23/ARC ont poussé des civils à fuir la région par vagues successives.
  4. Après un mois d’accalmie, le M23/ARC a lancé de nouvelles attaques contre les FARDC et les positions de l’ICCN à Rutshuru, à la fin de décembre 2021, puis à nouveau fin janvier 2022. La fréquence, la durée et l’intensité des attaques du M23/ARC ont suivi une courbe ascendante, tout comme le nombre de victimes des FARDC, ce qui indique un plus grand degré de « professionnalisme », un recrutement plus actif (voir par. 66 et 67) et de meilleures capacités de réapprovisionnement.
    Ainsi, une attaque du M23/ARC contre les FARDC à Nyesisi, dans le territoire de Rutshuru, a débuté dans la nuit du 24 au 25 janvier 2022 et entraîné la mort d’au moins 40 membres des FARDC, dont leur commandant (voir annexe 28). Le 28 mars 2022, le M23/ARC a lancé des attaques simultanées contre Tshanzu, Gisiza, Ndiza et Runyoni (voir annexe 29).
  5. Malgré d’importants renforts des FARDC dans le territoire de Rutshuru (notamment à partir du secteur opérationnel Sokola 2, au détriment de zones contrôlées par les ADF, entre autres), le déploiement par la Garde présidentielle de systèmes de lance-roquettes multiples et le bombardement régulier des bases du M23 par des roquettes, le M23/ARC a continué d’attaquer des sites stratégiques, souvent avec succès (voir annexe 30).
  6. Le 29 mars 2022, un hélicoptère de la MONUSCO qui effectuait une mission de reconnaissance autour de Tshanzu s’est écrasé. Les huit Casques bleus qui se trouvaient à son bord ont été tués. Des informations préliminaires ont indiqué que l’hélicoptère avait été touché par un tir direct qui avait provoqué sa chute, et que le tir provenait d’une colline contrôlée par le M23/ARC (voir annexe 31).

Commandement, bases, recrutement et armement

  1. Les attaques de 2021 et 2022 ont été lancées sous le commandement militaire général de Makenga, tandis que le « colonel » Yusuf Mboneza dirigeait les opérations sur le terrain. Bisimwa, qui a été contraint par les autorités ougandaises de quitter Kampala le 5 janvier 2022, est resté le dirigeant politique du M23/ARC. Le 25 mars 2022, après plusieurs mois de silence, il s’est ouvertement prononcé en faveur des opérations (voir annexe 32).
  2. Le quartier général du M23/ARC était situé sur le Mont Sabinyo, en République démocratique du Congo, où se rejoignent les frontières de la République démocratique du Congo, du Rwanda et de l’Ouganda, offrant au mouvement un avantage stratégique en ce qui concerne les voies d’entrée et de sortie. Le M23/ARC possédait également d’autres camps sur le Mont Visoke, en République démocratique du Congo, près de la frontière avec le Rwanda et à une courte distance de la frontière entre le Rwanda et l’Ouganda (voir annexe 33).
  3. À partir de novembre 2021, le M23/ARC a commencé à recruter dans le camp de Bihanga, et à partir de janvier 2022, dans les territoires de Masisi et de Rutshuru et à Kitshanga, en République démocratique du Congo, ainsi qu’au Rwanda, pour renforcer rapidement ses troupes. En conséquence, alors qu’une estimation de 100 à 200 combattants ont été impliqués lors des attaques menées entre novembre 2021 et janvier 2022, au moins 400 combattants ont été observés lors de l’attaque de Bunangana, le 29 mars 2022, tandis que d’autres combattants ont été observés près de Matebe et sur la route de Rugari-Kibumba le même jour.
  4. Trois combattants du M23/ARC arrêtés, tous Banyamulenge qui s’étaient réfugiés en Ouganda et tentaient de retourner à Minembwe, dans le Sud-Kivu, lorsqu’ils ont été capturés, ont déclaré qu’ils avaient été approchés par des collaborateurs du M23/ARC à Kisoro (Ouganda) au début de mars 2022 et orientés vers des camps du M23/ARC où ils avaient reçu un entraînement militaire sous les ordres du « colonel » Kanyamibwa. Si la majorité des combattants du M23/ARC présents dans les camps étaient originaires de Masisi, certains étaient Banyamulenge, tandis que d’autres étaient des ressortissants rwandais ou parlaient le lingala. Les forces armées et les forces de sécurité de la République démocratique du Congo ont signalé la présence d’individus portant des uniformes de la Force de défense rwandaise (Rwanda Defence Force – RDF) dans des camps du M23/ARC situés en République démocratique du Congo, ce qui a été confirmé par des images aériennes et des preuves photographiques. Néanmoins, le Gouvernement rwandais a catégoriquement nié tout soutien actif ou passif de la RDF au M23/ARC (voir par. 71 et 72).
  5. Le M23/ARC était bien équipé, possédant notamment des fusils d’assaut de type AK et des armes automatiques PKM, des fusils-mitrailleurs, des mitrailleuses lourdes de 12,7 mm, des lance-roquettes, des mortiers de 60 mm et des jumelles de vision nocturne. Au début d’avril 2022, le M23/ARC a saisi des pièces d’artillerie des FARDC (voir annexe 34).
    Objectif et revendications du Mouvement du 23 mars et dynamiques régionales
  6. Les récentes attaques du M23/ARC découlent notamment de l’absence de progrès dans la mise en œuvre des Déclarations de Nairobi signées le 12 décembre 2013. Des négociations confidentielles entre le Gouvernement de la République démocratique du Congo et une délégation du M23, qui avaient débuté en septembre 2020 et s’étaient poursuivies pendant 14 mois, sont au point mort. Six combattants du M23/ARC qui ont été capturés ont déclaré que le plan de Makenga était d’attaquer et d’occuper les villes de Bunangana, Rutshuru et Rumangabo, de couper la route stratégique Goma-Rutshuru, puis de prendre Goma, afin de forcer le Gouvernement à accepter les demandes du M23/ARC en matière d’amnistie, de restitution d’avoirs, de retour en République démocratique du Congo, d’intégration aux FARDC et d’attribution de postes politiques (voir annexe 35).
  7. Le porte-parole et des cadres politiques du M23/ARC ont d’abord nié l’implication du mouvement dans les attaques de novembre et de décembre 2021, soulignant que le M23/ARC avait poursuivi un dialogue constructif avec le Président Tshisekedi depuis 2020. Toutefois, leur discours a radicalement changé en mars 2022, lorsqu’ils ont accusé à plusieurs reprises les FARDC d’attaquer leurs positions sur les monts Mikeno, Karisimbi, Visoke et Sabinyo, et le Gouvernement de refuser intentionnellement toute solution pacifique et de faire le choix de la guerre. Le M23/ARC s’est alors réservé le droit de se défendre et a annoncé qu’il poursuivrait la lutte pour apporter un changement qui ait du sens dans le pays (voir annexe 36). À la mi-avril 2022, le M23/ARC a annoncé deux cessez-le-feu unilatéraux (voir annexe 37), qui sont néanmoins restés sans effet.
  8. Les dynamiques régionales, déjà tendues, notamment en raison de l’opération conjointe Shuja des FARDC-UPDF (voir par. 19 à 22), du projet de rénovation des infrastructures routières entrepris par la République démocratique du Congo et l’Ouganda, et de la déclaration faite par le Président rwandais Kagame en février 2022 (voir annexe 38), ont été exacerbées par la résurgence du M23/ARC. Lors de réunions avec le Groupe en janvier et mars 2022, des autorités de la République démocratique du Congo ont affirmé que le M23/ARC opérait avec le soutien des forces spéciales de la RDF. En outre, le 28 mars 2022, le porte-parole du gouverneur militaire du Nord-Kivu a déclaré publiquement que, dans la nuit du 27 au 28 février, le M23, soutenu par la RDF, avait fait des incursions et attaqué des positions des FARDC à Tshanzu et à Runyoni. Cette affirmation a été catégoriquement réfutée tant par le Gouvernement rwandais que par le porte-parole du M23/ARC (voir annexe 39).
  9. Le Groupe note que, dans sa déclaration, le porte-parole du gouverneur mentionne la capture de deux soldats présumés de la RDF pour soutenir ses propos.
    Cependant, les deux soldats en question avaient été arrêtés bien avant la déclaration du porte-parole du gouverneur. L’un avait été capturé en janvier 2022 par le groupe armé Collectif des mouvements pour le changement (CMC), tandis que l’autre avait été arrêté par les FARDC, également en janvier 2022. Tous deux avaient été interrogés par le Groupe d’experts en février 2022. À la suite d’une mission de vérification réalisée en décembre 2021, le Mécanisme conjoint de vérification élargi a précisé qu’il n’était toujours pas possible de savoir si la résurgence du mouvement était le résultat d’un quelconque soutien étranger.
    C. Forces démocratiques de libération du Rwanda-Forces combattantes abacunguzi
  10. Bien qu’elles aient été considérablement affaiblies au cours de la dernière décennie, à la suite de diverses opérations militaires et de l’élimination de certains de leurs dirigeants, les Forces démocratiques de libération du Rwanda-Forces combattantes abacunguzi (FDLR-FOCA) ont continué à recruter et à former plusieurs groupes armés locaux (voir annexe 40).
  11. Depuis 2020, le commandement et la structure organisationnelle des FDLR-FOCA n’ont pas beaucoup changé. Le « lieutenant-général » Gaston Iyamuremye, alias Rumuli ou Victor Byiringiro, visé par des sanctions (CDi.003), a été nommé président des FDLR-FOCA en remplacement d’Ignace Murwanashyaka, également sanctionné (CDi.016), qui est décédé en Allemagne en 2019. Le « général » Pacifique Ntawunguka, alias Omega, également sous sanctions (CDi.024), a pris la tête de la structure militaire après le décès de Sylvestre Mudacumura, également sanctionné (CDi.012), assisté du « général » Jean-Baptiste Gakwerere, alias Julius Mkobo, Sobo Stany ou Kolomboka.
    D. Implication d’éléments armés et contrebande de tantale et de tourmaline dans le territoire de Masisi
  12. La présence d’éléments armés et les attaques armées ainsi que la taxation et l’exploitation minière illégales par certains membres des FARDC se sont poursuivies dans certaines mines de coltan et de tourmaline du territoire de Masisi en 2021 et au coltan et la tourmaline provenant de certaines de ces mines jusqu’à Sake et Goma, où ils les ont intégrés à des chaînes d’approvisionnement légales ou les ont fait sortir en contrebande de la République démocratique du Congo, comme indiqué précédemment (voir S/2021/560, par. 57 à 71). Les niveaux de contrebande transfrontalière de coltan ont augmenté d’octobre 2021 à mars 2022 au moins.
    Présence armée dans les mines
  13. Dix témoins oculaires, dont deux membres des FARDC, ont décrit la présence d’hommes armés et de quelques membres des FARDC à la mine de Rukaza/Luwowo à Rubaya, principale zone d’exploitation du coltan dans le territoire de Masisi en 2021 (voir annexe 41 ; S/2021/560, par. 62 et 63). Certains membres des FARDC ont exploité ou taxé la tourmaline, notamment à Rukaza, où des membres de la Coopérative des exploitants artisanaux miniers de Masisi (COOPERAMMA) exploitaient également des mines. Robert Habinshuti Seninga, ancien président de la COOPERAMMA, parlementaire provincial et chef de l’Assemblée provinciale du Nord-Kivu, a nié toute collusion entre les FARDC et des membres de la COOPERAMMA. Le Groupe d’experts a écrit à Better Mining, un programme d’approvisionnement responsable qui couvre la mine de Rukaza/Luwowo. La réponse de Better Mining figure à l’annexe 42.
  14. Le 10 janvier 2022, des hommes armés ont attaqué une mine de coltan à Shakubangwa, près de Ngungu, et ont pillé du coltan pour une valeur de 17 000 dollars (voir annexe 43).
    Commerce illicite
  15. Des autorités minières et des négociants ont déclaré au Groupe qu’entre septembre 2021 et au moins mars 2022, le commerce transfrontalier illicite de coltan non étiqueté provenant des mines du territoire de Masisi et à destination du Rwanda avait augmenté, ce qui a été confirmé par l’Association internationale de l’étain (International Tin Association – ITA) (voir annexe 44). Selon quatre sources issues du secteur privé, cette augmentation est due, entre autres, à la création d’une nouvelle joint-venture, Congo Fair Mining, en décembre 2020, et à des changements dans les pratiques d’achat des comptoirs de coltan à Goma (voir annexe 45).
  16. Un réseau criminel de commerçants, dont certains membres de
    COOPERAMMA, avec le soutien de Robert Habinshuti Seninga (voir S/2021/560, par. 64), a transporté des centaines de kilogrammes de coltan des mines du territoire de Masisi vers Goma, ainsi que diverses quantités de tourmaline provenant de la mine de Rukaza (voir S/2021/560, par. 62). De Goma, les minerais étaient introduits en contrebande au Rwanda pour y être vendus (voir annexe 46). Ce trafic a compromis l’intégrité de certaines chaînes d’approvisionnement en coltan au Rwanda qui étaient couvertes par l’Initiative de la chaîne d’approvisionnement en étain (ITSCI) de l’ITA, pour des chaînes d’approvisionnement responsables. Les autorités rwandaises ont indiqué au Groupe d’experts qu’aucun minéral de contrebande n’avait été intercepté au Rwanda en 2020 ou 2021.
  17. Les autorités congolaises ont pris des mesures pour intercepter les minerais faisant l’objet d’un commerce illicite. En février 2022, elles ont saisi du coltan non étiqueté d’une valeur de plusieurs centaines de milliers de dollars qui devait être transporté vers Goma. L’un des chargements était accompagné d’un membre des FARDC (voir annexe 47).
    IV. Ituri
    A. Factions de la Coopérative pour le développement du Congo
    Intensification des opérations des factions de la Coopérative pour le développement du Congo depuis l’instauration de l’état de siège
  18. La suspension partielle des opérations des factions de la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) après la signature des actes d’engagement de cessez-le-feu unilatéraux en 2020 (voir S/2021/560, par. 81) a pris fin peu après l’instauration de l’état de siège, en mai 2021.
  19. Des combats ont éclaté entre les FARDC et des factions de la CODECO dans plusieurs zones. Au même moment, des factions de la CODECO se sont engagées dans des cycles de représailles contre le groupe armé Zaïre et ont multiplié les attaques contre des civils dans les territoires de Mahagi et de Djugu (voir par. 87 à 96), ce qui a déclenché des opérations militaires conjointes FARDC-MONUSCO contre l’Union des révolutionnaires pour la défense du people congolais/ Coopérative pour le développement du Congo (URDPC/CODECO) à partir de décembre 2021.
    Le 5 avril 2022, un Casque bleu népalais a été tué par balle au cours d’une opération conjointe FARDC-MONUSCO de bouclage et de perquisition dans le village de Bali, dans la zone contrôlée par l’URDPC/CODECO.
  20. Il y a eu peu, voire aucun progrès en matière de désarmement et de démobilisation, malgré une visite à Bunia, le 28 décembre 2021, du coordonnateur du programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS), Tommy Tambwe, et la nomination, en décembre 2021, d’une « taskforce » dirigée par Thomas Lubanga, qui fait l’objet de sanctions (CDi.007). Au contraire, les dirigeants de l’URDPC/CODECO, se référant aux processus précédents au cours desquels ils avaient soumis leurs demandes, ont refusé de rencontrer l’équipe spéciale jusqu’à ce que d’autres groupes armés, dont Zaïre, rejoignent le processus. Le 16 février 2022, des factions de la CODECO ont enlevé près de Bambu plusieurs membres de la taskforce qui ont recouvré leur liberté les 4 et 12 avril 2022 (voir annexe 48).
    Commandement, structure et recrutement
  21. Le commandement et la structure des factions de la CODECO ont peu changé (voir annexe 49 et S/2020/1283, annexe 21). Toutefois, sous l’impulsion de l’URDPC/CODECO, des factions de la CODECO, ou à tout le moins certains combattants et commandants de ces factions, ont commencé à se regrouper à partir de la fin de 2021 environ.
  22. Un ancien combattant de la Force de défense contre la balkanisation du Congo (FDBC) a expliqué qu’il avait rejoint l’URDPC/CODECO en mars 2022 et qu’il faisait campagne pour persuader ceux qui ne l’avaient pas encore fait de rejoindre URDPC/CODECO. Le même combattant a déclaré, tout comme les dirigeants de l’URDPC/CODECO, que le « général » Kadogo, qui avait succédé au chef de Bon Temple, Tuwo, après son assassinat en mai 2021 par la FDBC (voir S/2021/560, annexe 68), avait rejoint l’URDPC/CODECO et était chargé des opérations dans la région de Nyangaray (voir également le paragraphe 127 concernant les relations avec la FPIC).
  23. Si certaines recrues se sont engagées volontairement, en partie en réaction à certains crimes commis par certains membres des FARDC contre la population Lendu (voir par. 130 à 140 et S/2021/560, par. 113 à 120), des factions de la CODECO ont recruté de force des hommes lendu, obligeant certains à fuir. L’URDPC/CODECO, avec l’aide de certains chefs locaux, a organisé des rotations de civils lendu contraints de prendre part aux combats et d’attaquer des villages hima.

Crimes contre des civils et utilisation d’enfants
Attaques contre des camps de personnes déplacées internes par l’Union des révolutionnaires pour la défense du people congolais/Coopérative pour le développement du Congo – URDPC/CODECO

  1. De mi-novembre 2021 à début février 2022, des factions de la CODECO ont mené une série d’attaques meurtrières contre des camps de personnes déplacées internes dans les chefferies de Bahema Nord et de Bahema Badjere, dans un contexte de tensions croissantes entre les factions de la CODECO et Zaïre à partir d’octobre 2021 (voir annexe 50).
  2. L’URDPC/CODECO a attaqué le camp de déplacés de Tsuya, près de la mission catholique de Drodro, le 21 novembre 2021, et le camp de déplacés de Jangi-Ivo, près du centre de Drodro, le 28 novembre 2021 (voir annexe 51). Ces camps abritaient environ 15 000 personnes au total, presque toutes membres de la communauté hima. Dans le camp de Tsuya, 32 personnes déplacées internes ont été tuées, dont 11 femmes, 11 enfants et 11 personnes âgées (voir annexe 52). Vingt-quatre personnes déplacées internes ont été tuées dans le camp de Jangi-Ivo.
  3. Ces attaques ont immédiatement entraîné le déplacement massif des personnes déplacées internes vivant à Drodro et de la population des villages environnants vers le camp de déplacés de Rhoe, qui jouxte la base militaire de la MONUSCO. Le nombre de déplacés est ainsi passé d’environ 21 000 en octobre 2021 à environ 65 000 au plus fort de la crise (voir annexe 53).
  4. Dans la soirée du 1 février 2022, l’URDPC/CODECO a attaqué le camp de déplacés de Plaine Savo, à Bule, qui abritait environ 24 000 personnes, presque toutes hima. Soixante-deux personnes ont été tuées, dont 17 femmes et 19 enfants (voir annexe 54). Une femme a subi des mutilations génitales. Au moins 38 personnes ont été blessées, dont 21 grièvement, parmi lesquelles 17 enfants. De nombreux abris ont été détruits par les assaillants, qui ont vérifié si des personnes se trouvaient à l’intérieur (voir annexe 55).
  5. À Drodro et à Plaine Savo, des combattants de l’URDPC/CODECO ont tué et ont blessé des personnes déplacées au moyen d’armes à feu et de machettes. Leurs actions ont par ailleurs témoigné d’un certain degré de planification et de l’application de tactiques militaires. Ils étaient notamment identifiables par leurs tenues spécifiques. En outre, lors de l’attaque du 21 novembre contre Drodro, ils ont attaqué simultanément des villages voisins.
  6. À Plaine Savo, les combattants avaient attaché des torches à leurs armes et se parlaient en code pour se distinguer des personnes déplacées hima vivant dans le camp. Ils ont tiré sur ceux qui fuyaient ou qui n’ont pas pu donner le code convenu.
    Six personnes déplacées internes ont entendu les combattants dire qu’ils étaient venus pour les exécuter. Une personne déplacée les a entendus dire qu’ils cherchaient des armes.
  7. Selon plusieurs sources, les attaques menées à Plaine Savo et à Drodro étaient des représailles contre les opérations de Zaïre et le pillage de champs appartenant à des Lendu par des Hima et/ou des combattants de Zaïre, et avaient été motivées par des soupçons selon lesquels des combattants de Zaïre vivaient dans les camps de déplacés ou y avaient caché des armes. Les dirigeants de l’URDPC/CODECO ont déclaré que la présence de Zaïre dans les camps avait motivé les attaques.
    Persistance des violences sexuelles liées au conflit
  8. Les actes de violence liés au conflit commis par des combattants de la CODECO, y compris des membres de l’URDPC/CODECO, sont restés généralisés tout au long des années 2021 et 2022, et ont été largement commis en toute impunité (voir S/2021/560, par. 84 à 86). Des femmes et des jeunes filles de toutes les ethnies qui menaient leurs activités quotidiennes de subsistance ont été violées, parfois en réunion, à plusieurs reprises. Des viols et des viols collectifs ont également eu lieu lors d’attaques et ont été utilisés comme moyen de représailles (voir l’annexe 56 pour des détails sur d’autres cas de viols).
  9. Ainsi, en février 2022, dans des champs à Biba, près de Nizi, un combattant de l’URDPC/CODECO ou des FDBC a violé une fille de la communauté mambisa âgée de 12 ans, et deux autres combattants ont violé une fille de 16 ans. Leur chef a ensuite interrogé les filles au sujet du groupe armé Zaïre et les a ensuite utilisées dans le cadre de négociations pour tenter d’obtenir la libération d’un homme d’affaires Lendu enlevé par Zaïre.
  10. En mai 2021, à Londoni, près de Libi, lors d’un raid au cours duquel des combattants de l’URDPC/CODECO ont tué un homme lendu parce qu’il ne soutenait pas le groupe armé, les combattants ont violé en réunion deux femmes Lendu. En janvier 2022, deux combattants de l’URDPC/CODECO ont violé la femme d’un acteur de la société civile du secteur de Walendu-Tatsi qui ne soutenait pas l’URDPC/CODECO.
    Persistance des crimes contre des membres de la communauté lendu
  11. Des factions de la CODECO ont continué de réprimer les civils lendu non coopératifs, y compris des chefs locaux (voir S/2019/974, par. 92), en les tuant (voir par. 96) ou en les maltraitant, et en battant ou en détenant ceux qui refusaient de payer des taxes ou qui n’en avaient pas les moyens (voir par. 111).
  12. Le 16 janvier 2022, par exemple, des combattants de l’URDPC/CODECO ont arrêté un acteur de la société civile dans le secteur de Walendu-Tatsi, ont tiré avec l’arme qu’ils avaient placée sur sa tête et l’ont roué de coups, l’accusant d’avoir trahi un chef spirituel de l’URDPC/CODECO que les FARDC avaient arrêté le même jour.
    Utilisation d’enfants
  13. Des factions de la CODECO ont continué d’utiliser des enfants dès l’âge de 10 ans, notamment comme combattants et pour tenir les points de contrôle de l’URDPC/CODECO et des FDBC. Certains portaient des armes blanches et des baïonnettes (voir S/2020/1283, par. 50). Le commandement de l’URDPC/CODECO a nié avoir utilisé des enfants.
  14. Les actes présentés dans cette section et ceux commis contre des travailleurs dans des sites miniers, tels que décrits au paragraphe 115, peuvent donner lieu à des sanctions en vertu des dispositions des alinéas d) et/ou e) du paragraphe 7 de la résolution 2293 (2016), reconduites par la résolution 2582 (2021).
    B. Zaïre
  15. Bien qu’il ait conservé un profil bas et soit resté secret en ce qui concerne son organisation et sa structure (voir S/2021/560, par. 108), et malgré des disparités observées entre ses zones d’opérations, le groupe armé Zaïre, également connu sous le nom de Front populaire d’autodéfense en Ituri (FPAC), est devenu plus visible à partir d’octobre 2021, notamment en raison de ses opérations contre les factions de la CODECO, de crimes perpétrés contre des civils et de la prise de contrôle de plusieurs zones, notamment dans le territoire de Djugu.
    Commandement, opérations et armement
  16. Le « général » Zawadi Vajeru est resté à la tête de Zaïre (voir S/2021/560, par. 109). Il coordonnait le groupe armé aux côtés du « général » Logo Marine Mugenyi, chargé des opérations, et de Babala Fidele Castro Ngabu, président des jeunes à Iga-Barrière. Castro, arrêté en décembre 2021 par les autorités congolaises mais libéré en janvier 2022 sous la pression des représentants de haut rang de la communauté hima, s’est rendu dans la région de Mongbwalu. Babale Ngadjole, alias Pharaon, et Fabrice Maki Jawyambe dirigeaient Zaïre à Lodjo et à Pluto, respectivement (voir annexe 57).
  17. Les commandants de Zaïre, dont Marine et Castro, ont coordonné les opérations par l’intermédiaire de plusieurs chefs de village et de présidents des jeunes. Marine et Castro ont tous deux régulièrement sillonné les zones sous contrôle de Zaïre pour galvaniser leurs sympathisants, motiver les combattants et organiser des collectes de fonds en amont des opérations (voir par. 113). Des ex-combattants de Zaïre ont expliqué que des ex-combattants de l’Union des patriotes congolais (UPC) ayant participé à la deuxième guerre du Congo avaient rejoint Zaïre depuis au moins 2021. Zaïre a créé un centre de formation à Pilipili en novembre 2021.
  18. Depuis au moins octobre 2021, Zaïre a lancé des opérations contre des factions de la CODECO. Sept ex-combattants de Zaïre ont précisé que certaines de ces opérations étaient menées conjointement avec des membres des FARDC. Ils ont expliqué que des ex-combattants de l’UPC avaient apporté des armes et des munitions qui avaient été dissimulées, mais que Zaïre avait également reçu du matériel des mains de certains membres des FARDC. Certains barrages routiers installés par Zaïre se trouvaient à seulement 200 ou 300 mètres de postes de contrôle des FARDC, comme l’a observé le Groupe d’experts dans le village de Maze le 12 mars 2022.
    Crimes contre des civils
  19. Zaïre a ciblé des membres de la communauté lendu. Dans la zone minière autour de Mongbwalu, en particulier, et sous les ordres de Pharaon, Zaïre a pourchassé les Lendu, les tuant en représailles des crimes commis par des factions de la CODECO et poussant nombre d’entre eux à fuir la zone. Zaïre a continué de contrôler l’appartenance ethnique des personnes se présentant aux barrages routiers (voir S/2021/560, par. 109), tuant les personnes identifiées comme étant des Lendu. par exemple, en février 2022, des membres de Zaïre ont tué un homme d’affaires lendu à Kpata Kpata, à proximité de Nizi. Le Groupe d’experts n’a toutefois pas pu établir l’ampleur exacte des meurtres, faute d’avoir pu accéder à la zone pour des raisons de sécurité et de logistique. En outre, des combattants armés de Zaïre ont tiré des coups de feu et scandé en chantant que les Lendu devait quitter Mongbwalu lorsqu’ils y ont manifesté le 16 février 2022 (voir annexe 58 et par. 120).
  20. Zaïre a également commis des crimes contre des civils issus de ses propres communautés qui n’avaient pas respecté ses règles. Par exemple, à Pluto, toute personne qui ne s’acquittait pas des travaux communautaires hebdomadaires obligatoires (salongo) était punie d’une amende, d’une peine de prison ou de coups de fouet, dont le nombre était majoré de 100 coups par jour. Au moins un homme issu de la communauté alur est décédé en février 2022 des suites des coups de fouet reçus.
    En mars 2022, Zaïre a décidé que les coups de fouet seraient proportionnels aux « infractions » commises. Les personnes soupçonnées d’avoir simplement évoqué le groupe Zaïre ont été menacées de représailles et les journalistes se sont vu interdire de se rendre dans les zones d’opérations de Zaïre.
    C. Factions de la Coopérative pour le développement du Congo et Zaïre : or et financement
  21. Pendant la période considérée, l’or est resté une source de financement majeure tant pour les factions de la CODECO que pour Zaïre (voir S/2021/560, par. 95 et 111).
  22. Les dirigeants de l’URDPC/CODECO ont réaffirmé que conserver le contrôle des mines d’or était une priorité. Zaïre a également fait de la prise de contrôle de nouvelles mines d’or une priorité, en particulier autour de Mongbwalu. Zaïre et les factions de la CODECO ont mené des attaques de représailles contre des mines d’or et des centres de négoce de l’or dans leurs zones d’opérations respectives, en particulier fin 2021 et début 2022 dans le territoire de Djugu.
  23. L’URDPC/CODECO et la FDBC ont généré des fonds en 2021 et 2022 en extrayant de l’or, ainsi qu’en attaquant et en pillant des centres de négoce d’or et des mines et en prenant des orpailleurs en otage. Les combattants de Zaïre ont également exploité de l’or, attaqué et, dans certains cas, pris le contrôle de mines d’or et de centres de négoce dans des zones précédemment occupées par les factions de la CODECO, et vice-versa.
  24. À titre d’exemple, Zaïre a pillé de l’or au cours d’une attaque menée le 4 décembre 2021 en vue de prendre le contrôle de Lodjo, une ville d’extraction et de négoce de l’or. Lorsque les factions de la CODECO ont riposté les 22 et 23 décembre, en attaquant les mines de Lodjo, de Matoro et d’Andisa, elles ont également pillé de l’or et brûlé des habitations.
  25. Les deux parties ont continué de prélever des taxes auprès des civils afin de générer des fonds (voir annexe 59, par. 118 ; S/2021/560, par. 82 et 97, et annexes 64, 75 et 76).
    Zaïre
  26. Des commandants et des ex-combattants de Zaïre ont déclaré au Groupe d’experts que l’exploitation de l’or, y compris par les combattants de Zaïre, dans les mines de Pilipili, Pluto, Lodjo et Dala et dans les mines environnantes, avait permis au groupe de générer des ressources au cours de la période considérée. Le Groupe d’experts observe que la production et le commerce de l’or génèrent plusieurs centaines de milliers de dollars par an dans ces terres riches en or du territoire de Djugu.
  27. Certains chefs de Zaïre percevaient un pourcentage de la production d’or. Un ex-combattant versait 15 % de sa production hebdomadaire d’or au groupe. Toute personne qui ne s’acquittait pas de son obligation de payer s’exposait à des punitions (voir par. 106). Pharaon effectuait des patrouilles dans les mines d’or et collectait lu-même de l’or. Au moins de novembre 2021 à janvier 2022, Wawa et Chef Unyagi Ndikpa, des chefs locaux de Zaïre, ont reçu un pourcentage de l’or produit sur un site minier semi-industriel situé sur la rivière Shari, dans le groupement Ndikpa, à l’est de Mongbwalu. L’or était remis par la Coopérative minière des orpailleurs de l’Ituri (COMOI), une coopérative congolaise travaillant avec une société minière semi-industrielle, qui creusait la terre, broyait les roches et draguait la rivière Shari pour en extraire l’or. Des membres des FARDC gardaient le site. Ni COMOI ni la société semi-industrielle n’ont déclaré une quelconque production d’or sur le territoire de Djugu en 2021 (voir annexe 60), selon les statistiques officielles examinées par le Groupe d’experts.
    Factions de la Coopérative pour le développement du Congo
  28. En plus des conclusions de l’étude de cas portant sur Mongbwalu détaillées ci-dessous (voir par. 116 à 123), le Groupe d’experts a constaté que des factions de la CODECO ciblaient des négociants en or et des orpailleurs pour générer des revenus.
  29. À titre d’exemple, en janvier 2022, un propriétaire de site minier à Mbau, à environ 20 kilomètres au sud de Mongbwalu, a été contraint de remettre 2 grammes d’or à des combattants de l’URDPC/CODECO sous peine d’être tué. En mars 2022, à Nderembi (territoire d’Irumu), à 17 kilomètres au nord-ouest de Bunia, des éléments armés décrits comme appartenant à « FPIC-CODECO » ont attaqué un véhicule civil accompagné par un membre des FARDC, qui était utilisé pour transporter de l’or. Une quantité inconnue d’or a été dérobée. Un ressortissant chinois qui voyageait avec l’or a été tué par balles et un autre blessé. Le 24 novembre 2021, l’URDPC/CODECO a attaqué une mine d’or près de Damblo, à 10 kilomètres à l’est de Mongbwalu, et volé de l’or. Les combattants ont pris en otage huit ressortissants chinois travaillant pour la coopérative congolaise SOCOMIDI. Deux autres ressortissants Chinois ont été tués, ainsi qu’un membre des FARDC qui gardait leur site. L’URDPC/CODECO a exigé une rançon en échange de la libération des otages (voir annexe 61). Des négociants en or ont également été pris pour cible en 2021 et 2022, notamment sur le territoire de Djugu. En février 2021, un vendeur d’or se trouvant près de Mongbwalu a été contraint de remettre 500 dollars à des combattants de la CODECO qui ont menacé de le prendre en otage s’il n’obtempérait pas.
    Mongbwalu : étude de cas
  30. Entre la fin de 2021 et mars 2022, des combattants de l’URDPC/CODECO, de Bon Temple et de Zaïre ont renforcé leur contrôle sur les mines d’or autour de Mongbwalu, principal centre de production et de négoce d’or du territoire de Djugu, et en ont exploité l’or (voir S/2021/560, par. 95 à 99).
  31. Au cours de cette période, les attaques contre des civils et des positions des FARDC se sont intensifiées, tout comme les affrontements entre des factions de la CODECO et Zaïre à Mongbwalu. L’objectif était, en partie, de prendre le contrôle des sites à forte valeur économique.
  32. Comme ils l’ont fait dans d’autres localités du territoire de Djugu, Zaïre et les factions de la CODECO ont, chacun pour leur propre compte, taxé et pillé des négociants en or et des hommes d’affaires à Mongbwalu, ainsi que des civils (voir annexe 62). En mars 2022, les mines de Mongbwalu et des environs étaient globalement réparties en deux zones de contrôle approximatives (voir annexe 63).
  33. Lors d’affrontements survenus le 3 décembre 2021 à Mongbwalu et dans des centres miniers environnants, des combattants de l’URDPC/CODECO ont attaqué la commune de Mongbwalu, tué des civils, pillé des comptoirs d’achat d’or et renforcé leur présence dans le quartier de Saio, un centre minier (voir S/2021/560, annexe 64).
  34. Le 4 décembre 2021, Zaïre a répliqué et est entré dans Pluto, un centre majeur de négoce de l’or à 7 kilomètres au nord de Mongbwalu, y établissant une forte présence (voir S/2021/560, annexe 76). L’opération menée par Zaïre a notamment consisté à établir une base stratégique dans l’hôtel d’un négociant en or local. Des membres de Zaïre ont extrait de l’or dans les mines de Pluto, qu’ils ont vendu à Bunia. Par ailleurs, certains combattants de Zaïre qui avaient violemment manifesté dans la ville de Mongbwalu le 16 décembre 2021 (voir par. 105) se seraient établis dans la ville, y compris dans certaines mines.
  35. L’or de Mongbwalu a été acheté par des acheteurs locaux, notamment par la Coopérative minière Ndele et Frères (COMINDEV), appartenant à Ndele Bachebandey, comme indiqué précédemment (voir S/2021/560, par. 98 et annexe 77), et vendu clandestinement à des négociants de Bunia, de Butembo et de l’Ouganda.
    Le Groupe d’experts a tenté de contacter Ndele Bachebandey, qui n’a pas répondu. La production d’or officiellement déclarée à Mongbwalu pour 2021 s’est chiffrée à 406,28 grammes, alors que la production non déclarée pouvait atteindre 120 grammes par semaine dans une seule mine et que la ville en comptait plus de 40.
  36. Comme indiqué précédemment (voir S/2021/560, annexe 75), des membres des FARDC et de la Police nationale congolaise déployés à Mongbwalu se sont également livrés à l’extraction illégale d’or et à la taxation des creuseurs, opérant à côté de combattants des groupes armés.
  37. Depuis au moins décembre 2021, des membres des 13011 et 13012 bataillons du 1301 régiment des FARDC, sous le commandement du colonel Charles Muhinda Santos, ont reçu entre 30 % et 50 % de l’or extrait par les creuseurs artisanaux dans certaines mines de la concession minière PE5105. Des membres des FARDC étaient stationnés autour de la concession minière (voir annexe 64). Le colonel Santos a déclaré au Groupe d’experts qu’aucun membre des FARDC n’était présent dans les mines de Mongbwalu et que les FARDC ne recevaient pas d’or provenant de l’exploitation de ces mines.
    D. Force patriotique et intégrationniste du Congo
  38. La FPIC, également connue sous le nom de Chini ya Kilima, est restée l’un des groupes armés les plus actifs dans le territoire d’Irumu (voir S/2021/560, par. 101 à 106). Les affrontements intermittents avec les FARDC et Zaïre ont continué de porter préjudice aux civils.
    Structure de commandement et zones d’opérations
  39. Pendant la période considérée, le « général » Songambele Selyabo était le dirigeant et le chef d’état-major de la FPIC. Il coordonnait les activités aux côtés de son adjoint, le « général » Kaleb Bale. Le « colonel » Nzete supervisait la logistique, en particulier les armes et les munitions, et exerçait les fonctions de responsable des finances de la FPIC, tandis que le « général » Billy faisait office de commandant opérationnel. Le « général » Kakishe commandait les secteurs de Walu, Mwenga et Kunda et le « général » Dacha commandait les secteurs de Komanda, Marabo et Nyankunde, y compris Kindia et Lingabo jusqu’aux abords de la ville de Bunia.
  40. Le quartier général de la FPIC se trouvait à Nyankunde, où l’essentiel des commandants et des combattants était rassemblé. Trois commandants ont affirmé que la FPIC comptait près de 4 500 combattants, ce que le Groupe d’experts n’a pas pu confirmer. Cinq ex-combattants et un commandant local ont expliqué que bien souvent, des jeunes hommes bira âgés de 20 à 35 ans étaient enrôlés de force dans la FPIC. Ceux qui résistaient étaient malmenés ou tués. La FPIC a continué de recruter des enfants âgés de 13 à 15 ans (voir S/2021/560, par. 103).
    Alliance et approvisionnement en armes
  41. Trois commandants de la FPIC ont indiqué au Groupe d’experts que, depuis la mi-2021, la FPIC avait conclu une alliance avec l’URDPC/CODECO et la FDBC afin d’éviter de s’attaquer mutuellement et de mutualiser les ressources, notamment les armes et les munitions. Selon les trois commandants de la FPIC et les informations obtenues auprès des FARDC, le « général » Kadogo servait d’intermédiaire pour les transferts d’armes et de munitions entre les groupes armés (voir par. 85). Ainsi, en juillet 2021, le « général » Kadogo a fourni aux dirigeants de la FPIC trois armes automatiques PKM, 30 fusils d’assaut de type AK et 2 700 munitions au quartier général de la FPIC à Nyankunde. Le commandement de l’URDPC/CODECO a nié l’existence d’une telle alliance, tout en admettant que celle-ci avait existé à l’époque de Tuwo et que des discussions étaient en cours à cet égard.
  42. De plus, alors que la plupart des armes en possession de la FPIC étaient issues des guerres du Congo des années 2000, des commandants et des ex-combattants de la FPIC, ainsi que plusieurs officiers des FARDC, ont indiqué que certains membres des FARDC avaient fourni des armes et des munitions à la FPIC, y compris en 2021.
  43. En 2021, la FPIC a commencé de s’autofinancer grâce aux mines d’or, soit en exploitant directement l’or, soit en prélevant des contributions auprès des creuseurs (voir également S/2021/560, annexe 80). Les commandants de la FPIC ont expliqué qu’ils contrôlaient la plupart des mines autour de Nyankunde et que les creuseurs remettaient 30 % de leur or à la FPIC. En outre, des taxes étaient prélevées sur toutes les activités, à l’exception des établissements scolaires. Les ressources accumulées servaient à acheter des armes et des munitions et à rémunérer les commandants à hauteur de 300 dollars par personne et par mois et les combattants entre 50 et 100 dollars par personne et par mois.