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Message aux populations dans l’Est de la RDC : la CENCO compatit sans condamner le Rwanda

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Message aux populations dans l’Est de la RDC : la CENCO compatit sans condamner le Rwanda

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Par MKM

D’entrée de jeu, le sujet de la lettre épiscopale est bien planté :
Message de compassion et de solidarité de la CENCO à la population des provinces de Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

L’on ne peut pas dire que les évêques sont restés muets. Vite les deux mots : compassion et solidarité, résument et disent la nature du message.
Compassion dans le langage des évêques, c’est la pitié que la douleur des victimes évoquent. Les évêques ont fait savoir qu’ils sont avec les victimes dans la prière. C’est une bonne chose. On retrouve ces élémentss aux numéros 4 et 5 du message. Ils ont fait acte de fraternité et de communauté qui sont des dimensions de la praxis de l’Eglise. Il serait difficile de s’attendre à un langage différent.

Quels sont les contours que les évêques n’ont pas compris ? Toutefois, on regrette de ne trouver, dans le message, le verbe «condamner». Aucun élément fondamental du conflit n’ait été soulevé. En bref, le message ne correspond pas qu’à la gravité de la situation sur le terrain, mais à la dynamique de l’action engagée et revendiquée par le Rwanda. La question a pris une dimension critique pas seulement dans le narratif des exactions, mais surtout dans la violation du principe de souveraineté du territoire congolais.

Les évêques parlent comme s’ils étaient à Rome, loin du Congo. Au mieux, pour ne s’encharger dans une responsabilité nationale comme Eglise locale, ils laissent parler le Pape, à leur place, sous couvert d’universalité et de catholicité, c’est -à-dire, sans faire un effort de particularité, d’endogeneité et d’incarnation. En conséquence, sans une conscience nationale, la crise est traitée comme n’importe quel autre sujet, avec une absence d’engagement de la part des évêques.
Si la tonalité de la lettre est spirituelle avec la rhétorique de la «compassion» et aussi bien remplie de civilité, ce qu’on pourrait appeller simple règle de politesse sociale, en saluant les deux évêques et adressant leurs condoléances. Du reste, la lettre de la CENCO ne relève en rien les enjeux financiers et d’extraterritorialité de la guerre.

Certes, il y a une dimension éthique chrétienne, pourrait-on dire en évoquant la proximité de l’Église auprès des victimes. Cependant, l’engagement ethnico-prophétique des évêques, malheureusement,fait défaut, alors qu’il donnerait en revanche un ton à la fois incisif, de dénonciation et de persuasion pour convaincre et désarmer moralement et juridiquement les véritables acteurs soutenant les forces rebelles et le Rwanda sur le territoire congolais.

On dirait que la présence des Rwandais ne touche pas le sentiment national et patriotique des évêques congolais. Cette lettre, n’importe quelle institution à Rome, pourrait l’écrire. Car elle manque une identité, une incarnation et une appropriation de la part des évêques. Elle tient à un langage régulier de la rédaction des évêques. C’est même une langue de bois. Dans les neuf paragraphes les évêques sont des reporters passifs dont s’échappent la nature géopolitique et la vocation financière de la crise provoquée et organisée par des puissances internationales. Il manque, dans le message de la CENCO, l’appropriation de la guerre, du démantèlement de la région Est du Nord et Sud du Kivu.

L’on ressent ainsi le déni de violation du principe juridique de souveraineté nationale.

Dire tout simplement que «la coalition rebelle AFC/M23 appuyée par le Rwanda et l’avancée de cette dernière vers la ville de Bukavu.» C’est très simpliste. Il manque une intelligence dans la complexité de l’action des forces rwandaises. Cette phrase minimise la portée de la violation de l’intégrité territoriale du Congo, en faisant au contraire un mélange de genre. Alors que paradoxalement, une phrase pouvait être consacrée pour dénoncer la présence des Rwandais.

Les évêques ont parlé sans dénoncer le Rwanda qui est actif sur le territoire congolais avec un nombre imposant de soldats. Le verbe appuyer apparaît simpliste comme description, pourtant le président rwandais Paul Kagamé croit et pense qu’il est dans la guerre. Les soldats rwandais poursuivent avec les avancées sur le territoire congolais. A cet égard, les évêques n’expriment dans leur message aucun réconfort pour leur patrie.