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Un an après les viols de détenues dans cette prison centrale: emeute de la Kasapa : justice réclamée pour les victimes !

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Un an après les viols de détenues dans cette prison centrale: emeute de la Kasapa : justice réclamée pour les victimes !

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Dans un rapport publié lundi, l’ONG américaine Human Rights Watch exige une enquête crédible pour que les auteurs de cette barbarie soient punis, et éviter une nouvelle défaillance du système carcéral congolais
Par GKM

L’enquête sur le soulèvement survenu en septembre 2020 à la prison centrale de Kasapa, à Lubumbashi, chef-lieu de la province du haut-Katanga, est visiblement au point mort, constate Human Rights Watch dans un rapport publié le lundi 20 septembre 2021.
Une année après ces violences sexuelles qui avaient choqué l’opinion, l’organisation américaine invite les autorités de la RDC à fournir aux survivantes des soins médicaux et un soutien psychologique adéquats. Mais également à enquêter de manière crédible et impartiale sur ces incidents, y compris sur les responsables accusés d’avoir négligé les avertissements selon lesquels une émeute se tramait, et de poursuivre en justice les auteurs de ces abus.

” Les autorités congolaises devraient enquêter sérieusement sur ces trois jours de déferlement de violences et de viols généralisés à la prison de Kasapa, et agir afin d’en punir les responsables et d’empêcher de nouvelles défaillances du système carcéral “, a déclaré Thomas Fessy, chercheur principal sur la RD Congo à Human Rights Watch. ” Près d’un an après ces actes barbares, les victimes attendent toujours de recevoir des soins médicaux et un soutien adéquats, alors qu’elles souffrent de traumatisme et de stigmatisation. “, ajoute-t-il.

Rappel des faits

Le soulèvement à la prison centrale de Kasapa avait commencé le 25 septembre 2020, lorsqu’un groupe de 15 prisonniers considérés dangereux et détenus séparément des autres a maitrisé leur unique gardien et pris d’assaut la prison. Ils ont incité les autres détenus à la violence, incendié plusieurs bâtiments et se sont rapidement emparés de la prison, provoquant la fuite du personnel, des gardiens et des forces de sécurité.

Un incendie dans la section des femmes a alors contraint les détenues à se réfugier dans la cour principale de la prison pendant trois jours, sans protection, sans abri, sans nourriture ni eau et sans accès sécurisé aux toilettes, rappelle HRW. Des prisonniers ont brulé leurs affaires et ont imposé un climat de terreur. ” De peur d’être violées, nous n’allions même pas nous laver “, a déclaré une survivante, âgée de 38 ans.

Le 28 septembre 2020, un groupe de prisonniers a remis plus de 40 détenus dont les meneurs présumés des troubles aux forces de sécurité, qui ont alors repris le contrôle de la prison. Bien que le chef de la police provinciale ait exhorté les autorités à faire évacuer la prison de Kasapa, compte tenu de son ” état de délabrement avancé “, seuls 200 prisonniers environ, sur un total de quelque 2 000 détenus, ont par la suite été transférés vers d’autres prisons.

Plusieurs cas d’exécutions extrajudiciaires

De décembre 2020 à avril 2021, Human Rights Watch affirme avoir eu des entretiens avec 42 personnes, dont 14 femmes ayant survécu à l’émeute, ainsi qu’avec des prisonniers, des membres du personnel médical et des travailleurs humanitaires, des activistes locaux, du personnel pénitentiaire et judiciaire, et du personnel des Nations Unies à Lubumbashi et à Kinshasa, la capitale. Human Rights Watch a effectué des recherches à la prison de Kasapa en mars.

Human Rights Watch a consulté un rapport interne de l’ONU selon lequel les forces de sécurité ont abattu au moins 20 détenus, dont au moins 7 qui pourraient avoir été victimes d’exécutions extrajudiciaires lorsqu’ils tentaient de s’évader par un tunnel souterrain. Un agent de l’administration pénitentiaire est également décédé suite aux blessures subies lors du soulèvement.

Dans quatre correspondances datées d’août 2020, des responsables de cette prison avaient pourtant averti les autorités provinciales de l’insécurité à l’intérieur de cet établissement carcéral, et demandé le transfert d’un groupe de ” détenus très dangereux “. Selon les responsables de la prison, ces lettres sont restées sans réponse. Les mises en gardes sur un complot imminent impliquant le même groupe de détenus ont été également ignorées cinq jours avant la mutinerie. Et même quelques heures avant le déclenchement de l’émeute, ont-ils ajouté.

Sur les 56 femmes et filles incarcérées dans cette prison, 37 femmes et une adolescente ont indiqué, dans leurs dépositions devant le procureur de la République, à Lubumbashi, que des détenus avaient sexuellement abusé d’elles. Human Rights Watch s’est entretenu avec 13 de ces victimes qui affirment avoir été agressées sexuellement ou violées.

Des membres du personnel pénitentiaire, des responsables onusiens et des défenseurs locaux des droits humains ont affirmé à Human Rights Watch que la majorité des femmes détenues, peut-être même toutes, avaient été violées, mais que certaines d’entre elles ne l’ont pas signalé au procureur, par crainte de la stigmatisation associée aux agressions sexuelles. Des informations crédibles ont également fait état du viol de six hommes et garçons.

Certaines survivantes ont affirmé avoir été victimes de viols collectifs ou avoir été violées à plusieurs reprises par différents hommes au cours des trois jours de troubles. Elles ont précisé que les femmes qui résistaient étaient souvent battues ou frappées avec des objets tranchants ou des armes blanches. ” Trois jeunes hommes sont venus vers moi avec des machettes et des couteaux… et m’ont emmenée derrière le bloc, menaçant de me couper la tête si je résistais “, a déclaré une détenue âgée de 37 ans. ” Ils m’ont violée tous les trois et, quand j’ai essayé de résister, l’un d’eux m’a frappée avec sa machette, me blessant l’arcade sourcilière. “

Plusieurs sources ont décrit une agression lors de laquelle de nombreux détenus ont violé une femme qui rendait visite à un prisonnier le jour où l’émeute a commencé, et l’ont pénétrée avec des objets tranchants. Les personnes interrogées ont affirmé que deux autres femmes qui étaient en visite et une femme policière avaient également été violées. Lors de l’insurrection, des groupes rivaux de détenus se sont aussi livrés à de violents affrontements pour le contrôle de la prison.

Les statistiques médicales compilées après l’émeute que Human Rights Watch a pu consulter indiquent qu’au moins sept détenues, dont une adolescente de 16 ans, sont tombées enceintes, très probablement en raison de viols pendant les troubles. Un certain nombre d’entre elles venaient de contracter le VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles.

Après l’émeute, les autorités ont failli à leur responsabilité de fournir des soins post-viols aux survivantes en temps opportun et de manière adéquate, tels que des soins médicaux pour les blessures physiques, une contraception d’urgence contre la grossesse, une prophylaxie post-exposition au VIH et des médicaments pour prévenir d’autres maladies sexuellement transmissibles, ainsi qu’un soutien psychologique, a déclaré Human Rights Watch.