Interruption de l’aide américaine à la réponse au VIH : des milliers de vies menacées en RDC
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Par N.T.
Selon Susan Kasedde, directrice de l’ONUSIDA en RDC qui s’est confiée mercredi au magazine ONU Info, l’interruption de l’aide américaine à la réponse au VIH pourrait coûter des milliers de vies dans ce pays. C’est donc une sonnette d’alarme que lance l’ONU qui s’inquiète du sort de milliers de Congolais recevant un traitement contre le VIH alors que plane la menace d’une interruption du financement de l’aide américaine.
« Une rupture de financement aura un impact direct sur la survie des personnes vivant avec le VIH », a averti Mme Susan Kasedde qui représente en RDC l’ONUSIDA, le programme onusien qui coordonne la lutte contre la pandémie de VIH/sida.
Environ 520.000 personnes vivent avec le VIH en RDC
La RDC compte aujourd’hui environ 520.000 personnes vivant avec le VIH, dont 300.000 femmes et 50.000 enfants. L’épidémie continue de croître, comme l’indique le nombre de nouvelles infections presque deux fois plus élevé que celui des décès liés à la maladie.
Environ 21.000 nouvelles infections de VIH ont été recensées en 2023, dont 7.000 parmi les enfants, pour 11.000 décès dus au sida en RDC. Le pays figure parmi ceux dont les mesures de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant sont les plus faibles, comme le reflète le nombre important d’enfants congolais infectés.
Selon Mme Kasedde, le fait que la majorité des adultes vivant avec le VIH soit des femmes est lié à la condition de la femme dans le pays.
Les taux inquiétants de violences sexuelles à l’encontre des femmes en RDC accroissent leur exposition au VIH et à d’autres maladies sexuelles transmissibles. Mais, a-t-elle indiqué, « les violences ne sont qu’un facteur de surface lié à la condition de la femme congolaise en général ».
Elle a expliqué : « On peut parler de la vulnérabilité financière et de la dépendance envers les autres pour les aspects de protection et d’approvisionnement, et donc la condition de la femme joue clairement sur la santé, la sécurité… et le VIH n’est qu’une fenêtre à travers laquelle nous pouvons voir l’impact de cela ».
Le fonctionnement des laboratoires est une partie intégrale de la réponse au VIH en RDC et permet de suivre les patients pour établir les Interventions et assurer une bonne santé.
L’ONUSIDA et ses partenaires travaillent avec le gouvernement congolais pour mettre en œuvre une réponse nationale qui assure l’accès à des soins de qualité et à la prévention, mais aussi la mise en œuvre de politiques permettant la pérennisation des approches efficaces en matière de lutte contre le VIH.
« Le pays a réussi à mettre sous traitement 440.000 personnes vivant avec le VIH, soit au moins 87% des personnes ayant besoin de traitement », a signalé Mme Kasedde, notant qu’il reste encore beaucoup à faire pour garantir un accès au traitement à 100% des personnes vivant avec le VIH.
It/ La moitié des traitements contre le VIH en RDC financée par les Etats Unis
Les traitements contre le VIH en République démocratique du Congo sont financés à 80% par deux grands bailleurs de fonds, le programme de la présidence des Etats-Unis PEPFAR President’s Emergency Program for AIDS Remedy] et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
La contribution attendue du PEPFAR pour l’année fiscale 2025 s’élève à 105 millions de dollars et vise à traiter la moitié des personnes vivant avec le VIH en RDC, soit 209.000 personnes.
« Cela veut dire que nous avons actuellement 440.000 personnes vivant avec le VIH qui sont sous traitement. Grâce à ce traitement, elles sont en vie ».
Comme beaucoup d’agences d’aide et de développement à travers le globe, l’ONUSIDA a reçu l’annonce du gel des financements américains au mois de janvier.
« Ce n’est pas clair », a fait observer Mme Kasedde. « Nous avons reçu des informations annonçant la continuation des activités financées par PEPFAR, mais pas toutes les activités, ‘certaines activités’. Et il est toujours question de savoir lesquelles ».
« Et puis le traitement ne peut pas fonctionner sans capacité opérationnelle, le traitement ne peut pas être assuré s’il n’y a pas une chaîne d’approvisionnement qui fonctionne bien », a-t-elle souligné, rappelant que les composantes de la réponse au VIH en RDC sont largement interdépendantes et se renforcent les unes les autres.
Selon Mme Kasedde, une rupture de financement aurait un impact direct sur la survie des personnes vivant avec le VIH.
L’ONUSIDA et ses partenaires s’acharnent à revoir les données, patient par patient, pour s’assurer du suivi des patients où qu’ils se trouvent.
Pour illustrer la gravité de l’impact d’une éventuelle rupture de financement, la Directrice de l’ONUSIDA en RDC cite en exemple l’impact des récentes ruptures de traitements provoquées par la crise sécuritaire qui sévit depuis fin janvier à Goma, dans l’est du pays, désormais sous le contrôle du groupe armé M23, soutenu par le Rwanda.
Selon les informations récoltées par les acteurs communautaires avec lesquels l’ONUSIDA travaille depuis des années, elle note qu’après seulement quatre semaines de ruptures « environ 40% des personnes vivant avec le VIH qui bénéficient régulièrement du soutien de l’organisation, à domicile et autres, ne disposent plus de suffisamment de médicaments pour assurer la continuité de leur traitement ». « Et 8% sont décédées », a-t-elle martelé.
Cela souligne la fragilité de la santé et la rapidité avec laquelle elle se dégrade lorsqu’il y a rupture d’accès aux services, aux médicaments, à l’appui psychosocial, et à l’accompagnement communautaire.