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Violences sexuelles et autres violations graves des droits de l’homme dans la partie Est de la RDC, Rapport Mapping : Félix Tshisekedi et Emmanuel Macron interpellés

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Violences sexuelles et autres violations graves des droits de l’homme dans la partie Est de la RDC, Rapport Mapping : Félix Tshisekedi et Emmanuel Macron interpellés

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Une députée française écrit aux deux présidents pour obtenir leur implication, afin d’aider à mettre fin aux exactions commises dans le pays Par GKM

Dans une correspondance datée du 25 Novembre 2020, dont La Tempête des Tropiques s’est procuré une copie, Mme Frédérique Dumas, députée française des Hauts-de-Seine, a adressé une lettre au président Français , Emmanuel Macron, avec ampliation au Chef de l’État Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, pour exiger l’exploitation abondante du rapport Mapping des Nations unies pour faire la lumière sur les violations graves des droits de l’homme et violences sexuelles commises dans la partie Est de la RDC.

L’initiative de la députée des Hautes de Seine a été suivie par d’autres parlementaires français qui ont cosigné cette lettre adressée à Emmanuel Macron et Félix Tshisekedi. Dans cette missive, les signataires dénoncent les graves violations des droits de l’homme répertoriés dans le rapport Mapping des Nations unies et vantent le travail remarquable qu’abat le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix 2018, pour la prise en charge médicale des victimes et survivants des violences sexuelles dans la partie Est du pays.

C’est ainsi que dans cette lettre de plaidoyer, ces députés français s’allient derrière Frédérique Dumas pour solliciter l’implication de Félix Tshisekedi et d’Emmanuel Macron pour que le rapport Mapping soit exhumé, afin que les auteurs des atrocités et crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de génocide recensés dans ce document puissent répondre de leurs actes devant les instances judiciaires. Une manière de mettre fin à la lutte contre l’impunité en RD Congo.

En effet, dans le rapport Mapping, les experts des Nations unies ont fait un inventaire des violations des droits de l’homme et de Droit international humanitaire perpétrés en RDC entre Mars 1993 et Juin 2003. Dans ce document, plusieurs recommandations ont été formulées à l’endroit de l’État congolais mais jusqu’à ce jour, rien n’est fait surtout la mise en place du Tribunal spécial pour la RDC.

La lettre à Emmanuel Macron et Félix Tshisekedi

Madame Frédérique DUMAS
Députée des Hauts-de-Seine
Assemblée nationale
126 rue de l’Université
75355 Paris 07 SP

Monsieur Emmanuel Macron,
Président de la République française,
Palais de l’Élysée,
55 rue du Faubourg Saint-Honoré,
75008 Paris
Paris, le 25 novembre 2020,

Monsieur le Président de la République,

Depuis des décennies, la région des Grands Lacs, en Afrique, est en proie à d’effroyables guerres et conflits durant lesquels furent perpétrés de larges massacres humains. Crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide marquent l’histoire de cette région. Durant ces conflits, de nombreuses femmes furent — comme souvent dans ces conflits — des victimes ciblées à l’occasion de viols collectifs utilisés comme arme de guerre.

Depuis le milieu des années 1990, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), un homme en particulier s’est dressé contre cette barbarie spécifique : le docteur Denis Mukwege. Médecin, il s’est mis au service des milliers de femmes ayant subis des violences sexuelles, leur prodiguant une aide médicale — et notamment de la chirurgie reconstructrice dans le cas de mutilation génitale — puis progressivement économique, juridique et finalement psychique.

Au-delà de son action médicale et sociale, Denis Mukwege s’est aussi fait l’infatigable dénonciateur de ces crimes auprès de toutes les opinions publiques. Pour son action, en plus de dizaines de prix et distinctions, il a reçu en 2014 le prix Sakharov puis en 2018 le Prix Nobel de la paix.

Bien qu’il respecte une grande neutralité à l’égard des belligérants, mais parce qu’il dénonce ces crimes odieux, le docteur Mukwege est l’objet de menaces régulières et de tentatives d’assassinats. Depuis qu’il a récemment dénoncé un nouveau massacre de civils dans sa province orientale du Sud-Kivu, à la frontière du Rwanda, il est menacé.

Ainsi, le 26 juillet dernier, alors que de nouveaux massacres étaient perpétrés dans le Sud-Kivu, à la frontière entre la RDC et le Rwanda, il déclarait sur twitter que les femmes étaient une fois de plus ciblées. « Ce sont les mêmes qui continuent à tuer (…) dans la ligne droite des massacres qui frappent la RDC depuis 1996 », ajoutait-il.

Cette déclaration, factuelle, déchaînait un nouveau torrent de condamnations de la part de certains, sa famille étant une fois de plus menacée. Pourtant ces violences extrêmes se sont généralisées à partir de 1996 tout d’abord contre des camps de réfugiés hutu visant aussi des enfants, des femmes, et des vieillards. Le viol comme arme de guerre perpétré en RDC s’est ensuite généralisé vis à vis des populations congolaises autochtones, à l’encontre de femmes, de fillettes, voire de garçons et même de bébés.

Le docteur Mukwege témoignait: « J’ai opéré les grand-mères, j’ai opéré les mères j’opère maintenant les petits enfants; où cela va-t-il s’arrêter ? » Ces viols, commis souvent en public et collectivement, visent à détruire la cellule familiale, la communauté, le tissu social et pousser ces victimes à quitter leur lieu de vie souvent riche de minerais stratégiques.
Si après l’épouvantable génocide au Rwanda en 1994, un travail indispensable de mémoire, de justice et d’histoire doit impérativement avoir lieu, il est intolérable qu’au nom d’une opposition des victimes, les crimes actuels ne soient pas poursuivis avec la même détermination.

C’est tout simplement ce que demande le docteur Mukwege. À cet égard, il souhaite en particulier que soit exploité le « rapport Mapping » de l’ONU de 2010 et que soit créée une juridiction internationale pour poursuivre les auteurs des massacres commis dans l’Est de la RDC depuis 1996; des crimes souvent ignorés ou minorés dans notre pays.
Monsieur le Président de la République, eu égard à ces faits et à la qualité du docteur Mukwege, les signataires du présent courrier vous demandent:

  • d’accéder à sa requête exprimée à l’occasion de la remise de son Prix Nobel le 10 Décembre
    2018 : ne plus recevoir avec « le tapis rouge>) les dirigeants des pays qui utilisent la violence sexuelle pour accéder au pouvoir « et plutôt tracer une ligne rouge contre l’utilisation du viol comme arme de guerre, une ligne rouge qui serait synonyme de sanctions économiques, politiques et de poursuites judiciaires»; – que vous souteniez la création, comme le Parlement européen le demande, d’un tribunal pénal international « qui ferait progresser les cas avérés de violations des droits de l’homme remontant à avant 2002 » dans cette région, condition sine qua non pour que, comme l’a demandé le docteur Mukwege, « le droit soit dit », et le « peuple congolais puisse se projeter sereinement dans le futur »;
  • que vous souteniez, comme l’a préconisé en août dernier Madame Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme de l’ONU, la mise en place aussi rapidement que possible « d’une enquête efficace, rapide, approfondie et impartiale sur les menaces dont a fait l’objet le docteur Mukwege ».
  • Sa vie en dépend;
  • que vous proposiez que la Monusco protège et soit garante de la sécurité du docteur Mukwege;
  • que vous donniez instruction à ce que l’ensemble des massacres qui se sont produits dans la région des Grands Lacs soient enseignés et soient l’objet de recherches, conjointement au génocide perpétré au Rwanda en 1994 contre les Tutsis;
  • que les instances de régulation des médias soient sensibilisées à cet égard.
    Monsieur le Président de la République, nous ne cesserons de dénoncer le terrible génocide commis au Rwanda à l’été 1994 contre les Tutsis. Nous savons aussi les liens actuels de la France avec le Président Paul Kagame, le rôle qu’il joue dans la région, toutefois, aucune diplomatie réaliste ne saurait permettre que le silence et finalement l’oubli ne s’abattent sur des centaines de milliers de victimes et sur les crimes qui continuent, aujourd’hui même, à être perpétrés. En répondant favorablement aux demandes qui précèdent, vous contribueriez à l’empêcher.
    Dans cette attente, nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de notre haute considération.
    Les signataires:
    Frédérique DUMAS, députée des Hauts-de-Seine;
    Jean-Félix ACQUAVIVA, député de Haute-Corse;
    Emmanuelle ANTHOINE, députée de la Drôme;
    Clémentine AUTAIN, députée de Seine-Saint-Denis;
    Delphine BAGARRY, députée des Alpes-de-Haute-Provence;
    Michel CASTELLANI, député de Haute-Corse;
    Annie CHAPELIER, députée du Gard;
    Paul CHRISTOPHE, député du Nord;
    Jeanine DUBIE, députée des Hautes-Pyrénées;
    Virginie DUBY-MULLER, députée de Haute-Savoie;
    Olivier FALORNI, député de Charente-Maritime;
    Bruno FUCHS, député du Haut-Rhin;
    Brahim HAMMOUCHE, député de Moselle;
    Yannick HAURY, député de Loire-Atlantique;
    Brigitte KUSTER, députée de Paris;
    François-Michel LAMBERT, député des Bouches-du-Rhône;
    Jean LASSALLE, député des Pyrénées-Atlantiques;
    Karine LEBON, députée de la Réunion;
    Jean-Paul LECOQ député de Seine-Maritime;
    Sereine MAUBORGNE, députée du Var;
    Paul MOLAC, député du Morbihan;
    Sébastien NADOT, député de Haute-Garonne;
    Bertrand PANCHER, député de la Meuse;
    Sylvia PINEL, députée du Tarn-et-Garonne;
    Dominique POTIER, député de Meurthe-et-Moselle;
    Maina SAGE, députée de Polynésie Française;
    Nicolas TURQUOIS, député de la Vienne;
    Martine WONNER, députée du Bas-Rhin;
    Michel ZUMKELLER, député du Territoire de Belfort.

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