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Marianne Kikoko : « Il est difficile de conduire dans la ville de Kinshasa… »

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Marianne Kikoko : « Il est difficile de conduire dans la ville de Kinshasa… »

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Comptée parmi le peu de femmes chauffeurs évoluant au sein de la société congolaise de transport TRANSCO, Mme Marianne Kikoko intègre cette société depuis mars 2015.

Bien avant, elle a travaillé plusieurs années comme caissière, mais son amour pour le volant la conduira nettement dans ladite société après un temps de chômage.

Détentrice d’un diplôme d’Etat, elle poursuivra également 2 ans de formation dans le secrétariat dans une Institution de la capitale. Mariée et mère des quatre enfants et trois petits-enfants, Marianne Kikoko n’est pas encore prête à renoncer à son métier.

Tempête des Tropiques : Pourquoi avez-vous choisi ce métier de chauffeur ?

Marianne Kikoko : J’aimais conduire depuis ma jeunesse. D’ailleurs, c’est moi-même qui conduisais mes enfants à l’école le matin et venais le récupérer à midi pour les déposer à la maison et retourner enfin à mon poste de caissière.

C’était un exercice quotidien que je m’étais imposée durant plusieurs années jusqu’au jour où la situation familiale était devenue difficile.

Lorsque j’ai connu le chômage et que mon mari n’avait plus également de travail parce que son entreprise avait fermé ses portes, j’étais obligée donc de chercher une fois de plus un travail à faire.

Comme j’aimais le volant, je me suis dit pourquoi ne pas aller chercher du boulot chez TRANSCO ? J’étais convaincue qu’au cas où je serais retenue dans cette société, je serais en mesure de faire ce métier de chauffeur puisque je m’y connaissais déjà.

TDT : Vos enfants vous ont-ils soutenue dans cette démarche ?

MK : Au début, mes enfants n’étaient pas contents du tout pour que je conduise un bus. Ils s’y opposaient farouchement parce que, pour eux, je suis maman, ils sont déjà grands et que mon cadet est majeur ; comment est-ce que je peux tenir le volant et conduire un bus ?

C’était ça leur problème. Malgré leur opposition, je devrais les faire comprendre d’abord que ce sont les difficultés financières de la famille qui me poussent à faire quelque chose.

Pour moi, il n’y a pas de sot métier. Ensuite, je les ai rassurés étant donné que conduire n’est pas un fait nouveau pour moi. Finalement, ils avaient accepté, et tout se passe maintenant bien avec eux.

TDT : Pouvez-vous nous parler de votre intégration au sein de l’entreprise ?

MK : J’avais commencé premièrement par déposer ma candidature.

Après un laps de temps, j’étais appelée pour passer le test écrit, avant de passer à la pratique. C’est alors que nous étions allées en formation, les autres femmes et moi, pendant deux mois et demi pour apprendre à conduire un bus. Notre DG avait exigé à ce que nous soyons capables de conduire convenablement le bus.

Je tiens à signifier que les petits véhicules que je conduisais sont différents d’un bus. La voiture est simple à conduire contrairement à un bus qui exige notamment plus de maîtrise, et sans ses rétroviseurs, il est impossible de le (bus) conduire puisque ce sont nos grands yeux qui nous aident à bien voir derrière, à gauche et à droite.

TDT : Comment avaient réagi les passagers quand vous étiez au volant pour la première fois ?

MK : Je me souviens que j’avais pris le volant au niveau de Grand Poste à destination de Lemba. Lorsque les passagers ont vu une femme chauffeur, ils en ont fait un sujet de discussion.

Tout le monde était content. Curieusement, ce jour-là, mon neveu était aussi à bord de ce véhicule ignorant que c’était sa tante qui était au volant.

Une fois qu’il m’avait vu, il était joyeux et émotionné en même temps.Je vous assure qu’à chaque fois que je conduis ce bus les gens se réjouissent toujours et m’encouragent dans mon métier.

Un jour également, j’ai conduis les étudiants de l’Université de Kinshasa (UNIKIN), ils ont animé jusqu’à la destination finale à Kingasani.

Ils avaient une joie immense qu’une femme soit à la commande de ce bus. Pour tout dire, cette attitude m’encourage à travailler encore mieux.

TDT : Que détestez-vous dans votre travail ?

MK : D’abord le dérangement lorsque je suis au volant parce que l’on peut facilement faire un accident à cause d’une distraction.

En plus, je n’aime pas que les clients puissent m’imposer leur diktat, par exemple me dire de s’engager dans une autre bande pour aller vite.

Cela devient souvent sujet à problème lorsque je refuse d’obtempérer, et suis victime de toutes sortes d’injures. Mais quand je dépasse un bus conduit par un homme, je suis applaudie par les mêmes personnes.

Enfin, il est difficile de conduire dans la ville de Kinshasa étant donné que plusieurs chauffeurs ne respectent pas le code de la route.

Le plus grand problème sur la route est celui-là. Ce que nous voyons en route avec les chauffeurs Kinois est déplorable. Raison pour laquelle, à chaque fois que je rentre sain et sauf chez moi, je glorifie toujours Dieu pour sa protection.

TDT : Selon vous qu’est-ce qui fait que les femmes chauffeurs font moins d’accidents ?

MK : Parce que nous sommes très attentives au volant. En général, nous ne sommes pas distraites, et nous cherchons à bien voir avant de s’engager dans une action.

C’est cela qui fait que les femmes ne puissent pas être à la base de beaucoup d’accidents. Car le plus souvent si une femme connait un accident, ce qu’elle en a été victime tout simplement.

TDT : Que pouvez-vous dire de ce qui pense que le métier de chauffeur est réservé aux hommes ?

MK : Je m’inscris en faux parce que la femme a aussi des atouts. Je dirais que cela dépend de la volonté de tout un chacun.

Chez TRANSCO on cherche les femmes chauffeurs, mais plusieurs ont peur et se demandent comment vont-elles conduire ce bus ? Personnellement, je leur conseillerais de ne pas avoir peur. Malheureusement, celle qui met sa peur en premier lieu ne pourra jamais conduire.

Car si vous avez la volonté de faire quelque chose, donnez-vous à fond et acceptez d’être instruit pour apprendre. L’apprentissage n’est possible qu’avec la volonté.

TDT : Etes-vous acceptés parmi les hommes ?

MK : Oui. En tous cas, nous sommes (femmes chauffeurs) acceptées au sein de notre société malgré que nous représentions juste une goutte d’eau. Nous sommes encore moins de dix alors qu’il y a plusieurs hommes.

Cependant la société est à la recherche des femmes chauffeurs, malheureusement les quelques rares qui postulent n’y arrivent toujours pas jusque-là. Chez nous, hommes et femmes sont traités sur le même point d’égalité, et il n’y a pas de différence possible.

TDT : Comment conciliez-vous le boulot et le ménage ?

MK : En tant que maman, je m’organise toujours. Quand je travaille l’avant midi, je fais de mon mieux pour m’acquitter de mes tâches le soir, et j’ai aussi des jeunes filles qui me viennent en aide.

Lorsque faut-il travailler les après midi, je suis obligée de préparer et tout mettre en ordre avant de quitter la maison. A vrai dire, mon horaire de travail ne m’handicape en rien dans mon rôle de maîtresse de la maison.

L’amour que j’ai pour mon travail m’aide à m’organiser même si, quand je dois travailler l’avant midi, suis appelée de quitter la maison à 3h du matin puisque le bus censé nous récupérer passe de chez moi à 4 h du matin.

TDT : Votre mot de la fin

MK : Je profite de cette opportunité pour remercier notre DG qui nous avez donné la chance de trouver une place au sein de l’entreprise. Il avait exigé à ce que nos encadreurs puissent avoir tout leur temps pour nous apprendre à conduire un bus. Nous avons eu à conduire d’autres véhicules, mais conduire ce bus de 12 m est une autre chose. Voilà maintenant que je suis comptée parmi les femmes chauffeurs de TRANSCO.

Par Tantia Sakata

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